Le cinéaste français Chris Marker a disparu dimanche 29 juillet, jour de son anniversaire, à l'âge de 91 ans.
«
Chris Marker, c'est un peu le plus célèbre des cinéastes inconnus »
[1] écrit Philippe Dubois ; l'intéressé reprendra la formule en anglais au générique de sa dernière production en 2007
Leila Attacks!, micro fiction d'une minute diffusée sur internet. Son cinéma (documentaire, vidéo, expérimentations visuelles, longs métrages et courts métrages) a été analysé par de nombreux auteurs. Son film culte,
La Jetée, roman photo de 1962, qui a servi de scénario à
L'Armée de douze singes de Terry Gilliam (1996), est l'objet de nombreuses publications. On retiendra celle de Marker lui-même,
La jetée : ciné-roman, paru en 2008 chez Eclat.
Si Marker cinéaste est le plus célèbre des inconnus, que dire de Marker éditeur ?
Sa carrière dans le monde des lettres est peu connue, pourtant c'est par là que tout commença. A la fin de la deuxième guerre mondiale, Chris Marker, né Christian-François Bouche-Villeneuve, suit les cours de philosophie d'un jeune agrégé, bientôt fondateur de l'existentialisme, Jean Paul Sartre au lycée Pasteur à Neuilly sur Seine.
Marker poursuit une licence de philosophie et intègre les associations, Travail et Culture et Peuple et Culture, créées au lendemain de la Résistance. Alors directeur de la revue culturelle associé au mouvement, DOC, il rencontre son futur ami Alain Resnais et André Bazin, co-fondateur des
Cahiers du cinéma. Vivement critiqué par certains membres du Parti communiste pour avoir publié des extraits du livre d'André Malraux
L'Espoir, il démissionne de son poste.
Marker participe alors à la revue
Esprit, où il publie de nombreux articles politiques et poétiques, cinématographiques et littéraires. C'est à partir de 1949, date de publication de son premier roman
Le coeur net, aux éditions du Seuil, qu'il tisse une étroite relation avec sa maison d'édition ; la même année il y publie
L'Homme et sa liberté: jeu dramatique pour la veillée et 3 ans plus tard, en 1952, il fait paraître un essai
Giraudoux par lui-même paru dans la collection "écrivains de toujours" aux éditions du Seuil. En 1959, il publie
Coréennes. Avec Michel Butor, il était co-auteur du livre
Le dépays en 1982 (Herscher).
Editeur et traducteur En juillet 1954, il était entré au Seuil en tant qu'éditeur, en créant et dirigeant sa collection « Petite Planète », orientée vers les livres de voyages, pour laquelle il est vite remarqué. Les deux premiers numéros sont publiés l'année même,
Suède de Guy de Faramons et
Autriche de Pierre Vausson. Le troisième numéro
Italie est signé Paul Lechat, il s'agit de l'un des divers pseudonymes de Marker à l'instar de Boris Villeneuve et Fritz Markassin.
Trilingue allemand français et anglais, Chris Marker a également été traducteur de onze ouvrages, à l'instar du poème d'Al Hine
Christmas 1945 publié en français dans DOC,
La jungle est neutre, de Frederick Spencer Chapman (Seuil, 1949),
Le prince des ténèbres de James F. Powers, traduit avec Charles Antonetti (Seuil, 1951),
La quadrature du sexe de James Thurber et Elwyn B. White (Seuil, 1952),
La fille du vendredi de Francis Stuart (Seuil, 1953),
Grandeur et décadence d'un peu tout le monde (Seuil, 1953) ou encore
Le gardien du soleil de Charles Haldeman (1965, Seuil). En 1970, il avait traduit, sous le pseudonyme de Boris Villeneuve
Tous les chiens, tous les chats de Konrad Lorenz et
Les Armements modernes de Nigel Calder.
Par ailleurs, Marker fut exposé en tant que photographe et vidéste dans des lieux aussi prestigieux que le Centre pour l'image contemporaine à Genève, le Musée du jeu de Paume à Paris, le MoMA à New York ou encore les Rencontres d'Arles. De nombreux catalogues d'exposition ont accompagné ces installations.
Comme écrivain, Marker avait reçu le prix littéraire belge (
Le coeur net).
[1] Philippe Dubois,
Théorème no 6 : Recherches sur Chris Marker, 2006, p. 6,