La vie de Millicent Spark, née en 1947, s'est achevée en quelque sorte le 23 janvier 1994 : ce matin-là, elle s'est réveillée couverte de sang près du corps poignardé de Markus, son amant. Accusée du meurtre bien qu'elle ait clamé son innocence, elle a purgé une peine de vingt-cinq ans de prison. Elle réapprend depuis peu à vivre, à Glasgow, avec le soutien de ses deux colocataires, mais demeure terrifiée par la ville, par l'idée d'être broyée dans les escalators ou engloutie par les tourniquets du métro... Pourtant, sa vie passée consistait précisément à fabriquer de la peur, alors qu'elle était une maquilleuse réputée, spécialisée dans les effets spéciaux pour les films d'horreur de série Z des années 1980 et 1990. Elle cache désormais ses émotions derrière un masque glacial, usant d'ironie et balançant des vacheries à son entourage. C'est en faisant la connaissance d'un jeune étudiant, Jerry, qu'elle affrontera enfin son passé.

Le garçon n'a jamais connu son père. Il a été élevé par sa grand-mère, qui tenait un vidéoclub, et il a découvert L'enfer des zombies à 9 ans. Il est ensuite devenu un as des braquages de maisons, avant de se ranger à la suite d'un cambriolage ayant mal tourné. Quand il croise Millicent, il réalise qu'ils partagent la même passion pour les films d'horreur, « pas seulement un genre, mais une culture, avec sa propre histoire, ses apocryphes, sa mythologie ». Jerry est hanté par l'histoire du film Mancipium, autour duquel règne la légende d'une malédiction, puisque le producteur a disparu après le tournage et que le réalisateur s'est suicidé. Ses créateurs pensaient avoir engendré un monstre, et les négatifs auraient été brûlés. Or ce film fut aussi le dernier sur lequel Millicent a travaillé.

La vieille maquilleuse plonge alors dans ses souvenirs. Elle aimait sincèrement l'homme retrouvé mort à ses côtés et n'a jamais digéré les ragots de la presse à scandale, qui l'avait surnommée « la tueuse aux vidéos trash » tout en évoquant un meurtre survenu au cours d'une nuit de débauche, entre sexe, -drogues et films d'horreur. Un jour, dans les couloirs d'un hôtel, elle découvre, en compagnie de Jerry, une photo de Markus datée de quelques jours après sa mort... Quand elle réchappe de justesse à une tentative d'assassinat, elle propose à Jerry d'enquêter sur ce crime qui a détruit sa vie et elle l'embarque dans un road trip entre Paris, Milan et Rome pour découvrir enfin la vérité, tandis que de mystérieux tueurs sont à leurs trousses.

Ce polar aux allures de roman d'aventures possède un charme délicieusement vénéneux, lié à son univers, imprégné des films gore, dans lequel évoluent des personnages qui ne comprennent pas toujours les raisons de leurs pires actes. Sur le ton d'une insolence voilée et d'une ironie discrète, l'histoire joue habilement des flash-backs et du brouillage des époques, tout en nous susurrant que, comme dans les bons films, on doit toujours rester attentif aux moindres gestes des figurants et autres seconds rôles.