Autodidacte précoce - il a commencé à 17 ans - né en 1971, Marcello Quintanilha a travaillé dans le dessin animé et l’illustration de presse, avant de signer en 1999 son premier livre, consacré à son père footballeur professionnel dans les années 1950. Ce touche-à-tout inspiré a aussi assuré pour Le Lombard le dessin de la série Sept balles pour Oxford (7 albums). Il se révèle désormais dans le roman graphique. Dès mars dernier, profitant de sa présence dans la délégation brésilienne invitée du Salon du livre de Paris, Çà et là a publié son recueil de nouvelles Mes chers samedis, des instantanés saisis avec finesse dans les méandres d’une favela, entre bière et football. Dans la même lignée, Tungstène est, sur 190 pages, d’une autre ampleur.
Le tungstène est un métal dur et lourd, et Marcello Quintanilha en a visiblement utilisé les composants à fond, pour camper une dizaine de personnages tous plus butés les uns que les autres et les chauffer à blanc. Au départ, il y a un fait divers insignifiant : dans une petite ville côtière du Brésil, deux vagues délinquants pratiquent illégalement la pêche à l’explosif. Cela irrite un sous-officier à la retraite, à la conscience par ailleurs légèrement altérée. Il force un petit trafiquant qu’il a pris sous son aile à faire appel à un policier. Ce dernier, brute machiste mais néanmoins courageuse, va prendre les choses en mains. Nous voilà partis pour un polar "hard-boiled", en apparence.
En réalité, le délit minuscule n’est pour Marcello Quintanilha qu’un prétexte pour dérouler, dans un savant montage de saynètes tendues et de flash-back bien ajustés, une tranche épaisse de Brésil profond. Le sous-off, le trafiquant, sa mère, le flic, ses collègues, sa femme, les amies de sa femme… Tous jouent double jeu. Ils sont emportés dans un ballet où toutes les névroses sont portées à leur paroxysme. Fabrice Piault