22 AOÛT - ROMAN Etats-Unis

Jennifer Egan- Photo PIETER M VAN HATTERN/STOCK

En terminant ébloui ce roman superbe et audacieux, on se demande comment le résumer, tant il scintille de mille feux et possède une construction savante. En 2011, le prestigieux prix Pulitzer a couronné à juste raison A Visit from the Goon Squad de Jennifer Egan. Traduit sous le titre français de Qu'avons-nous fait de nos rêves ?, il paraît fin août dans "La Cosmopolite" de Stock et s'annonce déjà comme l'un des événements majeurs de la rentrée étrangère. L'Américaine a entrepris ici de croiser les histoires, de varier les époques, de multiplier les personnages.

Voici d'abord Sasha, 35 ans, qui s'approprie des objets qui la tentent. Ce peut être le stylo d'un avocat, le tournevis d'un plombier, les sachets de sels de bain d'une amie ou un portefeuille en cuir vert subtilisé à sa propriétaire dans les toilettes pour dames d'un restaurant, un soir où elle dîne avec un assistant juridique. C'est pathologique, elle le sait et tente de se soigner en s'allongeant chez son analyste.

Sasha, qui a perdu son père quand elle avait 6 ans et habite au troisième étage d'un immeuble dans le Lower East Side, s'occupe de relations publiques pour des groupes de musique en qui elle croit et écrit des articles dans Spin ou Vibe. Elle est l'assistante de Bennie Salazar, un producteur de musique qui éparpille des paillettes d'or dans son café, roule dans une Porsche jaune et souffre d'avoir une libido en berne. A la fin des années 1970, Bennie tenait la basse d'une formation punk de San Francisco, les Flaming Dildos. Une époque où ses amis se nommaient Alice et Scotty, Jocelyn ou cette Rhea qui n'aimait pas ses taches de rousseur. Dans les parages, il y avait aussi Lou. Un producteur culte au charme fou, petit ami de Jocelyn et père de nombreux enfants qu'il avait eu avec des femmes différentes. Ne pas non plus rater Dolly, publicitaire et conseillère en image ; Jules, journaliste et écrivain qui se trouve être le frère de Stephanie, l'ex-épouse de Bennie... Chef d'orchestre accomplie, Jennifer Egan passe de l'un à l'autre avec une même virtuosité, un même art pour installer un climat et une ambiance dont on ne se détache pas. Ses protagonistes nous touchent parce qu'ils regardent le monde dans lequel ils évoluent aller toujours plus vite, alors qu'ils voudraient se poser un peu. Tous ont des secrets, des blessures, des rêves enfouis. Tous luttent comme ils peuvent avec le réel. Le lecteur, lui, les accompagne d'un bout à l'autre du roman et les quitte à regret. Avec la certitude de les garder longtemps en mémoire.

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