Après que les électeurs britanniques ont préféré, à près de 52 % jeudi 23 juin, le "Brexit" à l’Union européenne, les éditeurs et les libraires du pays manifestent leur déception et s'inquiètent de ses conséquences encore incertaines tout en affichant leur prudence (
"wait and see") pour l'avenir, d'après les témoignages recueillis par notre confrère
The Bookseller. Dans le secteur de l’édition,
près des quatre cinquièmes des professionnels étaient favorables au maintien dans l’UE.
James Daunt, directeur de la chaîne de librairies
Waterstones, la plus importante du pays, et opposé au Brexit, a affirmé que son groupe ne
"fera rien à court terme", estimant qu’il fallait rester patient pour voir comment la consommation et la distribution allaient se comporter dans ce nouveau contexte.
Tim Godfrey, directeur général de l’
Association des libraires du pays, pour qui le vote est "
une décision sismique", reproche au gouvernement d’avoir joué avec l’environnement économique.
"Nous avons besoins de transparence sur la manière dont ce désengagement va être réalisé et sur la configuration de notre future relation avec l’Europe”, indique-t-il.
Soutien du camp du maintien dans l'Europe, Tim Hely Hutchinson, P-DG d’
Hachette UK, qui possède les maisons Hodder & Stoughton, John Murray, Quercus, Orion Publishing Group, Octopus Publishing Group, Hachette Children's Group, Little Book group et Hodder Education, a exprimé sa déception, considérant que l’arrimage à l’Europe était bénéfique culturellement et économiquement.
"Les incertitudes diverses sont mauvaises pour les affaires", affirme-t-il, rappelant cependant qu’Hachette "
est un éditeur international, solide, et qu’il le resterait quoiqu’il arrive. Nous ne prévoyons aucune décision jusqu’à ce que la situation soit claire", ajoute-t-il.
Egalement "déçue", la fondatrice de la maison d'édition pour la jeunesse Nosy Crow,
Kate Wilson, interrogée par
Livres Hebdo, estime que
"l'impact sur les taux de change est le principal problème pour nous à court terme".
Pour le P-DG de la branche anglaise du leader mondial de l’édition,
Penguin Random House, Tom Weldon,
"peu importe les unes de journaux ou la réaction immédiate des marchés financiers, il est important de garder à l’esprit qu’il y a une période minimale de deux ans de négociation avant que la Grande Bretagne ne quitte effectivement l’Europe. D’ici là, notre pays obéit aux règles européennes", rappelle-t-il, ajoutant que personne ne peut savoir si ce vote aura des conséquences positives ou négatives. Comme son homologue chez Hachette, il a rassuré ses employés en rappelant que leur société était un groupe mondial avec des résultats financiers robustes.
Globalement, tous les éditeurs sont sur la même longueur d’onde : éviter la panique et ne rien décider à court terme, faire comme avant en attendant de savoir comment le marché britannique va réagir. Tous sont déconcertés, mais certains, comme le directeur de
Pan Macmillan, Anthony Forbes Watson, espèrent que ce changement, cette nouvelle réalité, apportera malgré tout de nouvelles perspectives et opportunités.
Le pragmatisme anglais l’emporte donc sur leur sentiment de
"dévastation" du moment. Alessandro Gallenzi (
Alma publishing) est
"déterminé plus que jamais à œuvrer pour la promotion de la littérature européenne en Grande Bretagne" au nom du lien indéfectible entre les îles britanniques et le continent européen.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
L’écrivain Philip Pullman, président de la
Société des auteurs, a le jugement plus sévère, accusant les responsables politiques d’avoir joué sur les valeurs de rejet et de haine : "
Ils seront jugés durement par l’Histoire. Tout, y compris le secteur de l’édition, ira plus mal. Je ne vois rien de bon dans cette situation."
Parmi les professionnels partisans du Brexit, Iain Dale (
Biteback) veut croire aux "
incroyables opportunités" qui s’offrent au pays et fait fi des
"menaces qui ne sont que des menaces". L’agente
Diane Blanks se réjouit à l’avance de pouvoir négocier librement et indépendamment avec les partenaires économiques de son choix, citant les marchés les plus importants pour le Royaume Uni comme l’Inde, l’Australie ou les Etats-Unis. L’écrivaine
Susan Hill veut qu’on en finisse avec les prophéties catastrophiques et enjoint chacun d’attendre : "
C’est un énorme défi qui s’annonce, acceptons-le !”