Deux hommes, des lieux, des objets, des mots: en noir et blanc, le photographe René Tanguy évoque dans une exposition aux Ateliers des Capucins à Brest (14 juillet-18 octobre), par touches sensibles et furtives, la fulgurance de la dernière amitié de Jack Kerouac avec un poète breton émigré aux Etats-Unis, Youenn Gwernig.
"Tu me manques vraiment. Je crois que tu es le seul homme que je connaisse aujourd'hui dont la conversation et la présence sont un cadeau, enfin". Gwernig, l'heureux destinataire de ce touchant aveu en 1967, est arrivé dix ans plus tôt à New-York en quête d'une vie meilleure. "Au départ, j'ai voulu faire un travail photographique autour d'une correspondance", éclaire René Tanguy qui, en 1999, a rencontré pour la première fois Gwernig, décédé en 2006.
Pendant cinq ans, à raison "d'un ou deux voyages par an" en Amérique du nord, le photographe a traqué les empreintes de cette amitié des deux côtés de l'Atlantique après avoir pris connaissance de cette correspondance longtemps inédite. Un projet qui donnera naissance à un livre (Sad paradise, Locus solus, 2016), puis à cette exposition reconfigurée. Dans leurs écrits, les deux artistes parlent de tout ce qui fait leur vie, de leurs virées nocturnes, des problèmes d'argent de Jack, de littérature et, bien sûr, de Bretagne.
Sculpteur sur bois, poète alors en devenir et musicien, Gwernig, intrigué par ce nom de Kerouac à consonances bretonnes dans les vitrines des librairies new-yorkaises, lit tout ce qu'il trouve de l'écrivain. Il se décide à lui écrire au printemps 1966, en découvrant Satori à Paris (Gallimard, 1971) dans lequel le fils de Québécois dévoile son voyage en Bretagne, à la recherche de son ancêtre finistérien émigré au Canada au 18è siècle.
Pas de dernier voyage en Bretagne
Trois ans - 1922 pour Kerouac, 1925 pour Gwernig - et quelques centaines de kilomètres les séparent, l'un à Lowell (Massachusetts), l'autre à New York. Mais ces deux-là se trouvent. Trois années intenses d'échanges, de rencontres, de longues lettres ou de petits mots, de soirées mémorables, interrompus par la mort de Kerouac.
"Ce sont de jeunes mecs encore, dans les débuts de la quarantaine, ils font la bringue ensemble (...) Une amitié très forte les unit. A cette époque, Kerouac est seul, perdu, il a sombré dans l'alcool... C'est son dernier ami", résume le photographe.
Ces traces de vie, d'amitié, cette "archéologie des sentiments" comme il l'écrit, René Tanguy a lui aussi "taillé la route" pour les explorer : un vol d'oies sauvages dans le ciel du Québec, berceau de la famille Kerouac en Amérique du nord, la Transcanadienne sous la neige, les usines textiles de Lowell où la famille s'installe après avoir quitté le Canada. Lowell qui deviendra la ville natale de Kerouac, lui qui n'a parlé que joual jusqu'à l'âge de six ans, qui avait "voulu écrire Sur la route en français" selon René Tanguy, et qui se mettra au breton sous l'aile chaleureuse de Gwernig.
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Dans cette exposition, René Tanguy expose des fragments de vie, réels ou nimbés de rêves : une machine à écrire, une reproduction de la carte d'identité du jeune Kerouac dans une vitrine de Lowell, "Paradise", le bar favori de Jean-Louis dans sa ville natale, la pipe que ne lâchait jamais Gwernig ou la silhouette vacillante d'un fêtard dans un couloir d'hôtel.
Une déambulation entre mémoire, identité, exil et déracinement, mélancolie : "Par moment, j'ai eu l'impression que j'allais les rencontrer tous les deux au bar du coin", dit René Tanguy.
A l'été 1969, Gwernig rentre définitivement au pays. Avant de partir, pour que Jack concrétise encore une fois son rêve de Bretagne, il lui "offre un billet d'avion que Kerouac n'utilisera jamais". Le Clochard céleste meurt le 21 octobre 1969 à Saint-Petersburg, en Floride, où il s'était installé un an plus tôt avec Stella, son épouse, et "Mémère", sa mère bien aimée.
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