Deux représentants français étaient cette année au rendez-vous de ce marché des droits audiovisuels pour le livre. Pour l’Agence Astier-Pécher comme pour Flammarion, il s’agissait d’une première. Laure Pécher venait présenter Back Up de l’écrivain belge Paul Colize, édité par La Manufacture des livres. « J’avais soumis Back Up à la Berlinale car il était idéal dans le cadre d’un marché de la coproduction, puisqu’il se déroule dans plusieurs villes » explique-telle à Livres Hebdo.
Laure Saget, Directrice de l'Audiovisuel chez Flammarion, défendait Le Cas Eduard Einstein de Laurent Seksik. Là aussi, le roman voyage, entre Berlin, Zurich et les Etats-Unis, ce qui rend pertinent l’idée d’une coproduction internationale.
Une coach pour optimiser la valeur du pitch
Dans les deux cas, l’expérience s’est avérée positive. Contrairement au marché de la SCELF au Salon du livre de Paris, Books at Berlinale est international. Laure Pécher a déjà sept producteurs européens intéressés. « C’est à nous de mettre en relations les producteurs. C’est ce qui est intéressant. Tout se fait en amont et l’adaptation ne dépend pas d’un unique producteur qui va avoir besoin de temps pour financer le projet » nous a-t-elle expliqué.
Laure Saget confirme l’aspect très professionnel de cette manifestation : « Nous étions « coachés » dimanche par une Américaine qui nous a montrés comment optimiser notre présentation devant les producteurs. Le résultat était très dynamique au final. » Contactée par deux producteurs, elle est persuadée que le roman de Seksik peut faire l’objet d’une belle coproduction franco-allemande ou américano-allemande. Ce court voyage à la Berlinale l’a confortée dans l’idée que son département devait miser davantage sur l’international : « Notre newsletter trimestrielle destinée aux producteurs français va être traduite en anglais ».
Du « networking » autour d’un « Frühstück »
Henning Adam, directeur de Books at Berlinale et de la programmation du Co-Production Market, a longtemps regretté que les éditeurs européens ne traduisent pas de résumés de leurs livres. Il explique à Livres Hebdo que le seul travail exigé par Books at Berlinale est de traduire en anglais « un long synopsis, entre cinq et sept pages ». Conscient des mutations du secteur, et de la professionnalisation des éditeurs dans la gestion des droits audiovisuels, il a fait évoluer le concept, en collaboration avec son équipe. « Cette année, nous avons initié un nouveau format : nous commençons avec une heure de présentation des projets. Les producteurs sont attentifs, concentrés. Puis, avec le petit déjeuner, les rencontres se succèdent autour d’une table. Il s’agit de faire du « networking » par de signer un contrat » précise-t-il.
« Nous aurions pu présenter un livre par jour. Mais en réunissant les 11 livres sur une demi-journée de travail, les producteurs sont plus captifs. Ils sont là pour trouver des adaptations qui peuvent les intéresser. Nous avons même ouvert Books at Berlinale à des producteurs qui n’étaient pas inscrits à notre marché » explique Henning Adam. Il sait que la force de ce programme est d’être intégré à un marché du film où sont présents la plupart des producteurs européens, mais aussi de nombreux producteurs américains et asiatiques. Au total, le marché attire 450 sociétés. Une centaine a participé à la matinée dédiée aux adaptations.
Pour que ce marché dans le marché fonctionne, il est nécessaire que la sélection de livres soit la meilleure et la plus variée possible : les livres doivent correspondre à différents genres, différents budgets, à des films art et essai principalement. Henning Adam, lucide, avoue que « les best-sellers n‘ont pas besoin » d’eux. Naturellement, les ouvrages sont choisis parce que les sujets nécessitent des coproductions internationales. Il constate juste un paradoxe : tandis que de nombreux films d’époque sont sélectionnés dans tous les grands festivals, les producteurs de ne pas s’intéresser davantage à des livres qui se déroulent avant les années 2000.
Aujourd’hui, le secteur est si porteur que de nombreux festivals, comme Rome ou Cannes qui va lancer Shoot the Book cette année, veulent attirer les éditeurs dans leur marché du film. Henning Adam le conçoit sans amertume : « Vous savez, nous n’avons pas le copyright sur ce concept. » Il sait aussi que la Berlinale demeure en position de leadership dans ce domaine, forte de son partenariat avec la Foire de Francfort.