La société Item Éditions, spécialisée dans les estampes originales, lithographies et livres d'artistes contemporains, a fait l'objet d'une vérification de compatibilité qui a conduit l'administration fiscale à lui imposer des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés (IS) pour les exercices clos en 2016 et 2017. Ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période allant du 1er janvier 2016 au 28 février 2019.
La Cour administrative d'appel de Paris a tranché ce litige fiscal qui portait principalement sur la réintégration, par l'administration fiscale, d'une provision pour dépréciation de stock au bénéfice imposable de la société au titre de l'exercice clos en 2016 (CAA de Paris, 5e chambre, 1er décembre 2025 – n° 24PA02224). La décision rappelle les conditions strictes de probabilité et de justification nécessaires pour la déduction fiscale des provisions, notamment en ce qui concerne l'évaluation des stocks de livres.
Initialement, l'administration avait réintégré une somme totale de près de 400.000 €, comptabilisée entre 2009 et 2015, au bénéfice imposable de 2016 (premier exercice non prescrit), mais ce chef de rehaussement fut ramené à 200.000 € suite à l'avis de la commission des impôts directs en mai 2021.
Le cadre légal des provisions
Les dispositions légales encadrant les déductions sont définies par l'article 38 du Code général des impôts qui stipule que le bénéfice net est basé sur la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période d'imposition, l'actif net incluant les provisions justifiées. L'article 39 du même code, relatif à l'établissement du bénéfice net, permet la déduction des provisions « constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ». De ces dispositions, la Cour administrative d’appel a rappelé qu'une provision est déductible si la perte ou la charge est nettement précisée quant à sa nature et susceptible d'être évaluée avec une approximation suffisante. Mais également probable eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice. Et enfin rattachée par un lien direct aux opérations déjà effectuées par l'entreprise à cette date.
Provisionner son stock
La SARL Item Éditions soutenait avoir correctement déclaré une provision de 400.000 €, correspondant à la différence entre la valeur comptable brute du stock de 1.100.000 € et une valeur vénale estimée par un commissaire-priseur expert près la cour d'appel de Paris de 700.000 €. La société affirmait que l'administration avait refusé à tort la comptabilisation de cette provision, arguant que les prix de vente constatés par l'administration ne reflétaient pas le jeu réel de l'offre et de la demande, du fait d'une demande faible et de l'incapacité d'une vente unitaire de lithographie à refléter la valeur vénale effective du stock global. Toutefois, la Cour rejette la requête en motivant sur deux points précis…
L'insuffisance de l'expertise de la société
L'expertise fournie par la société Item Editions a été jugée insuffisante dans la mesure où l'expert se serait borné à une analyse sommaire des travaux des artistes sans tenir compte d'éléments essentiels comme la date ou le prix d'acquisition des œuvres, informations qui n'étaient même pas mentionnées dans le rapport.
La preuve contraire par les ventes réelles
L'administration a présenté des preuves factuelles contredisant la dépréciation alléguée. Elle s'est appuyée sur un échantillon de 21 ventes de lithographies réalisées par la société en 2016 et 2017 (représentant 30 % des ventes sur cette période) pour démontrer que :
Aucune œuvre n'avait été vendue à perte. Les coefficients de marge (entre coût d'achat et prix de vente hors taxe) étaient élevés, allant de 3 à 63. Et les prix de vente réels étaient largement supérieurs aux prix estimés par l'expertise dont se prévalait la société.
La Cour a également écarté les arguments selon lesquels la mise sur le marché simultanée de nombreuses lithographies similaires provoquerait une chute des prix ou que la vente unitaire ne refléterait pas la valeur vénale globale. Elle juge qu'il ne résulte pas des seules mentions du rapport d'expert que ces facteurs auraient cet effet sur les prix. De plus, l'existence d'œuvres similaires aux 21 œuvres vendues a nécessairement eu une incidence sur les prix effectivement pratiqués, sans empêcher la réalisation des marges élevées constatées. Enfin, même en supposant une faible demande sur le marché des lithographies, cela ne permettait pas d'en déduire la dépréciation probable du stock, d'autant plus que les ventes réalisées par la société elle-même en 2016 et 2017 n'avaient pas permis d'établir que ces ventes ne reflèteraient pas les caractéristiques du marché. En conséquence, la Cour administrative d'appel de Paris a conclu que l'administration fiscale était fondée à remettre en cause la provision pour dépréciation de stock comptabilisée par la SARL Item Éditions au titre de l'exercice 2016, rejetant ainsi la requête de la société.
Fournir une documentation rigoureuse et factuelle
Cet arrêt souligne l'importance, pour les entreprises gérant des stocks d'œuvres d'art, de fournir une documentation rigoureuse et factuelle pour justifier l'application d'une provision pour dépréciation. La simple allégation d'une faible demande ou la production d'une expertise sommaire ne suffisent pas face aux preuves des ventes réelles et des marges importantes effectivement réalisées par la société. Conformément aux exigences de l'article 39 du CGI, l'administration conserve la possibilité d'utiliser les prix de transaction effectifs comme référence pour évaluer la valeur vénale et contester la « probabilité » de la perte de valeur.
