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Bilan Gaspard 2020 : le marché du livre québécois affirme sa résilience

Philippe Sarrasin

Bilan Gaspard 2020 : le marché du livre québécois affirme sa résilience

En temps de pandémie, libraires et éditeurs ont su tirer leur épingle du jeu, avec des ventes en hausse en 2020 malgré plusieurs mois de pause forcée, rapporte le dernier Bilan Gaspard du marché du livre au Québec. Une performance rendue possible par le retour des Québécois en librairie durant l'été, avec un goût prononcé pour le roman et les livres pratique.

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Par Souen Léger
Créé le 12.08.2021 à 13h00

Tout au long de l'année 2020, secouée par la pandémie de Covid-19, les Québécois se sont plongés dans la lecture. Au programme, selon la 9e édition du Bilan annuel Gaspard établi par la Société de gestion de la Banque de titres de langue française (BTLF) : beaucoup de romans, de livres pratiques proposant jardinage, cuisine et travaux de rénovation, mais aussi des livres jeunesse (qui représentent près d’une vente sur trois), des ouvrages parascolaires, bien utiles aux enfants lors du confinement, et des livres ésotériques, valeurs refuges en ces temps incertains. 

Une année romanesque

Tant et si bien que, malgré une activité à l’arrêt pendant plusieurs mois et la chute brutale des ventes aux collectivités, les librairies du panel, soit 264 points de vente représentant plus de la moitié du marché total, ont conclu l'année en beauté avec une hausse de la valeur des ventes de +2,5% (contre +0,4% en 2019) alors que l’ensemble du commerce de détail québécois accuse une baisse de -0,4 %. Les librairies indépendantes réalisent une performance encore plus surprenante en terminant l’exercice 2020 à +5,2%, précise le Bilan Gaspard. 

Dans le détail, l'année avait commencé sur les chapeaux de roue (+7,3% sur la valeur des ventes à fin février), avant d'être stoppée dans son élan entre mars et mai (-41%) puis de repartir à la hausse à compter de juin, sauvée par la jeunesse (+21%) et la littérature (+35%). Preuve de cet engouement estival, les ventes de livres ont bondi de près de 600% le 12 août 2020 par rapport à une journée "classique", à l'occasion de l'opération annuelle "Le 12 août, J'achète un livre québécois". 

Photo LIBRAIRIE PAULINES

Pour traverser cette année compliquée, les Québécois se sont donc tournés massivement vers les romans, la littérature enregistrant une hausse spectaculaire des ventes de +14,5% au-dessus des seuils de 2019. "Du jamais vu depuis que Gaspard a commencé à monitorer le marché en 2012", soulignent les auteurs du bilan. Le Top 100 des ventes 2020 au Québec compte d'ailleurs 31 titres de littérature, parmi lesquels figure, au 4e rang, le best-seller Em de Kim Thuy (Libre Expression). Trois romans de Guillaume Musso et quatre titres de la romancière québécoise Louise Tremblay-d’Essiambre s'y distinguent également. 

Tarot et jardinage

D'autres marchés, de plus petite taille que celui du roman, ont connu une envolée remarquable de leurs ventes en 2020 : +21,2% pour le parascolaire, particulièrement prisé au printemps lors de la fermeture des établissements, + 21,7% pour l'ésotérisme qui affiche la plus forte progression des 22 catégories par rapport à l'année précédente. Cela représente près de 35 000 exemplaires écoulés, avec un Top 5 des ventes tourné vers l'astrologie, les cristaux, les oracles et le tarot. 

Avec des ventes en hausse de respectivement +6,2% et +9,5% en valeur, la bande-dessinée et le pratique ont contribué au redressement des ventes en librairie à partir de l'été. Vingt-six ouvrages pratiques (contre 23 en 2019) se sont d'ailleurs inscrits dans le Top 100 annuel, dont plus de la moitié sont des livres de cuisine signés par des stars québécoises des fourneaux (ou de la nutrition) telles que Ricardo, Madame Labriski, Geneviève O'Gleman ou encore Cassandra Loignon. Invités à rester chez eux, les Québécois se sont aussi mis au jardinage (+34,6%) et à la rénovation domiciliaire (+22,9%).

D'autres catégories plongent dans le rouge à l'image des beaux-arts (valeur des ventes annuelles en baisse de -10,8%), de l'éducation (-38,5%), de l'informatique (-16,4%) ou encore des livres de géographie et de tourisme (-51,8%).

Des ventes en hausse pour les éditeurs québécois

Dans la colonne des "moins" figure par ailleurs la production de nouveautés mises en marché en 2020, en repli de 15,3 % comparé à 2019. "La perte involontaire de ces 5 151 nouveaux entrants dans l’écosystème aurait dû logiquement entraîner un manque à gagner du côté des recettes de l’industrie, mais il n’en fut rien, puisque les ventes de la cohorte de 2020 ont dépassé par plus de 600K$ celles de 2019", rapportent les auteurs du Bilan Gaspard.

Ainsi, les éditeurs québécois tirent leur épingle du jeu en 2020, avec des ventes en hausse de +4,6% en librairie (+1,2 % en volume), après un résultat de +2,8 % en 2019. Un engouement pour la production locale, encouragé par le gouvernement et par les acteurs de la chaîne du livre, qui se répercute sur le Top 200 des meilleures ventes de l'année où apparaissent 41 titres de littérature québécoise contre 29 l'année précédente.  

La production étrangère, elle, fait du surplace en valeur par rapport à 2019, année où les ventes des éditeurs étrangers avaient reculé de -2,0 % par rapport à 2018, et se contracte en volume pour une deuxième année consécutive (-3,8%). Les éditeurs québécois semblent bel et bien consolider leur place dans les librairies de la province face aux éditeurs étrangers dont la part de marché est passée de 52,4% en 2017 à 47,4% en 2020. 

Et pour 2021 ? Les professionnels se veulent optimistes, encouragés notamment par la reprise des ventes aux collectivités avec la réouverture des écoles et des bibliothèques publiques.

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