Les boîtes en carton est le roman autobiographique qui fit connaître dans sa région, la Flandre belge, l'écrivain Tom Lanoye, devenu célèbre depuis, y compris pour son côté "sulfureux". Non seulement il est ouvertement gay dans un pays profondément conservateur et catholique, mais il milite contre les menées séparatistes suicidaires de l'extrême droite flamande, ainsi que pour la mixité sociale à Johannesburg, en Afrique du Sud, où il passe la moitié de son temps. On lui doit aussi quelques pièces de théâtre à sensation, dont Mephisto for ever, montée à Avignon en 2007. De celui qui se présente comme Le fils du boucher avec de petites lunettes (un autre de ses romans, pas encore traduit de ce côté-ci du Quiévrain), les lecteurs français connaissaient La langue de ma mère et Forteresse Europe, parus à La Différence respectivement en 2011 et 2012. Voici donc Les boîtes en carton, où le narrateur revient sur certains épisodes de sa jeunesse, durant sa scolarité chez les jésuites de La Boîte, à la fin des années 1960, où il connut son premier amour. Le beau Z., rencontré quand ils avaient 10 ans lors d'un voyage dans les Ardennes organisé par les Mutualités chrétiennes pour tailler des croupières aux Mutualités socialistes laïques, aimé à la folie jusqu'au bac et à leur rupture, après une unique nuit manquée - coïtus interruptus. Si Z., en pleine puberté comme son camarade, n'était pas insensible à ses attentions et prêt même à certaines privautés sensuelles, il n'était pas gay, lui. A la fin du livre, Lanoye, 32 ans, nous signale que Z. vit à Bruxelles et qu'il est marié, tandis que lui habite à Anvers avec R., son compagnon et apparemment le garçon de sa vie, même s'il n'a jamais oublié, ce livre le prouve de fort belle façon, le bel ami de sa jeunesse.
Ses souvenirs, Tom Lanoye les a rangés dans quatre boîtes en carton pleines de charme. Des descriptions balzaciennes du début à l'amitié qui s'épanouit, puis se défait lors du voyage en Grèce et en Crète, en passant par un séjour dans les Alpes suisses juste après Mai 68 et sa "révolution superficielle". Tout cela est chaste et charmant, à peine coquin, atmosphère chambres d'ados et vestiaires de gym. Z. était un sportif accompli et Tom craquait pour ses "tablettes de chocolat". Entre autres. Outre l'histoire d'amour, cette éducation sentimentale un peu particulière, Lanoye excelle à dépeindre une époque et un milieu, avec humour et ironie, et même pas mal d'autodérision. A un moment, lorsque Z. répond à ses premières avances, ne se prend-il pas pour "le Machiavel du sentiment, le Napoléon de la passion" ? Le retour de Crète fut son Trafalgar.