Chez un grand écrivain, rien n’est inutile. Tout, même une préface, un discours, un entretien, fait sens. Ainsi de Paul Auster, dans les quatorze textes qui composent ce recueil, placé sous la bienveillante protection de George Oppen, un de ses amis, disparu. Oppen était poète, comme le fut Auster lui-même, avant d’y renoncer pour passer à la prose, devenir écrivain, après "avoir compris [qu’il] ne serai[t] pas un joueur de baseball professionnel", sa grande passion.
La plupart des textes rassemblés ici traitent de poésie, à l’exception notable d’une longue préface qu’Auster donna pour Vingt jours avec Julian et Petit Lapin, selon papa (Actes Sud, 2003), un récit peu connu de Nathaniel Hawthorne, écrit en 1851, où, en l’absence de sa femme, l’auteur de la fameuse Lettre écarlate entreprit la chronique, simple et touchante, de sa petite famille.
Paul Auster, francophile et francophone, a une prédilection pour les poètes français modernes, comme Apollinaire, primus inter pares, et contemporains. Dont deux qu’il a bien connus, qui furent ses amis. Le premier, Jacques Dupin, l’a même aidé financièrement dans les années 1970 lorsque le futur écrivain américain s’était installé à Paris. Alors directeur chez Maeght, il a été le premier à publier en France du Paul Auster, lequel traduira ensuite aux Etats-Unis un choix de ses poèmes. Grâce à Dupin, Auster rencontrera Du Bouchet ou Michaux. Il célèbre aussi Beckett, Robbe-Grillet, qu’il a croisés, ou Perec, à qui il adressa, près de vingt ans après sa mort, quelques "cartes postales" virtuelles mais enthousiastes.
Paul Auster nous rappelle avec brio qu’un authentique écrivain est avant tout un lecteur, quelqu’un qui, comme disait Cocteau, "aime aimer". J.-C. P.