9 janvier > roman Grande-Bretagne

Solaire (Gallimard 2011, repris en Folio), le précédent roman de Ian McEwan, était porté d’un bout à l’autre par un héros fantasque et exubérant, prêt à tous les excès. Opération Sweet tooth, son nouvel opus, présente quant à lui une protagoniste qui est son exacte opposée.

Ian McEwan- Photo ANNALENA MCAFEE/GALLIMARD

Serena Frome explique toujours que son nom se prononce «Frume», comme dans «Plume». La narratrice de l’auteur d’Expiation (Gallimard 2003, repris en Folio) et de Sur la plage de Chesil (Gallimard 2008, repris en Folio) est la fille aînée d’un évêque anglican, dont on dit souvent qu’il ressemble à «un paisible chat tigré», et d’une mère, dévouée à son époux, aux talents d’organisatrice.

La jeune fille belle et blonde a d’abord étudié les mathématiques à Cambridge où elle a obtenu sans briller une licence. Fervente lectrice capable de passer de Jane Austen à Jacqueline Susann et d’être retournée par l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne, Serena s’est un peu essayée à la critique littéraire. Côté cœur, Jeremey Mott, son amant au pubis «extrêmement anguleux», s’est révélé homosexuel.

La grande histoire de cette époque, elle la vit à 21 ans avec un professeur d’histoire, Tony Canning, 54 ans, ancien directeur des Opérations spéciales et du MI5, le service de renseignement britannique. Un homme qui roule dans un vieux cabriolet MG, possède une aquarelle peinte par Winston Churchill, apprécie l’alcool et l’art de la conversation.

De cette liaison, il ne restera qu’un marque-page et des souvenirs. Sans oublier un billet d’entrée au MI5, où elle se retrouve, en 1972, secrétaire dans un bureau crasseux de Leconfield House. A cette période, elle vit en colocation avec un trio de jeunes femmes raisonnables du nord de l’Angleterre et s’entiche d’un collègue, Maximilian Greatorex, trentenaire à la coupe démodée.

Peu à peu, Serena évolue au sein du MI5, se voit promue officier stagiaire et participe à l’opération «Sweet tooth». Dans le cadre de cette mission, elle doit recruter un agent et prendre contact avec un écrivain qui habite à Brighton, Thomas Haley, qui a déjà publié plusieurs nouvelles. Celui-ci a besoin d’argent pour arrêter l’enseignement et se consacrer à son œuvre. Serena tombe vite amoureuse. Il lui caresse la paume de la main, se lance dans un «roman d’anticipation anticapitaliste» qu’elle trouve bien trop sombre…

Ian McEwan avait jadis déjà tâté de l’espionnage avec L’innocent (Seuil 1990, repris en Folio). La musique qu’il fait entendre dans Opération Sweet tooth est fort différente. L’écrivain, maintes fois couronné, rend ici un puissant hommage à la littérature anglaise psychologique. En plus du portrait d’une époque et d’un pays, en plus d’une intrigue dont il relie peu à peu les fils, il s’illustre en peaufinant page à page en maître de l’intériorité l’exploration de Serena, avec ses doutes et ses interrogations. Ce qu’elle n’arrive pas à exprimer, ce qui l’unit ou non aux hommes dont elle s’éprend. Al. F.

 

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