Charline Vanhoenacker pouvait bien, mercredi matin dans sa chronique humoristique quotidienne sur France Inter, envisager un best-seller cosigné par Mahomet et la Vierge Marie qui, fort des succès cumulés de la Bible et du Coran, "nique Zemmour et Trierweiler". Depuis les assassinats, le 7 janvier 2015, des dessinateurs et chroniqueurs de Charlie Hebdo, jusqu’aux tueries du Bataclan et du 11e arrondissement de Paris, le livre n’a cessé de se trouver au plus près des drames et des défis qui ébranlent la France depuis un an.
Il l’a d’abord été comme cible. Il y a un an, ce sont bien des auteurs, et pas des moindres, qui ont été visés. Quant aux victimes de novembre, parmi lesquelles les deux jeunes éditrices Lola Salines et Ariane Theiller, elles sont, comme l’ont montré leurs portraits égrenés en décembre dans la presse, emblématiques d’une nouvelle génération ouverte, qui sort, qui échange et… qui lit.
Il l’a ensuite été comme instrument de résistance. Des titres de Charb, Wolinski, Cabu, Bernard Maris ou plus tard Luz ont fait les bonnes ventes du début de l’année. D’autres dont le fameux Paris est une fête d’Hemingway ont été brandis comme des symboles, tandis que de multiples essais analysant les fractures de la société française et les dérives islamistes balisent aujourd’hui, et sans doute pour longtemps, nos palmarès des meilleures ventes.
Plus largement, dans la première année d’embellie pour le marché du livre après cinq ans de dépression, le livre est apparu comme un moyen de réassurance, pour comprendre autant que pour s’évader. "Je suis Charlie", "Je suis en terrasse", peut-être. "Je vais en librairie", certainement. Wolinski l’exprimait d’ailleurs par anticipation dans un dessin offert à l’ancien éditeur et auteur Jean-Paul Naddeo : "J’aime mon libraire à 100 %."
Pour une nouvelle année qui s’annonce économiquement, socialement et politiquement délicate, au moins Livres Hebdo peut-il formuler le vœu que le livre continue ainsi de jouer son rôle nodal dans la vie de chacun.