James Meek a toujours fait preuve d’une riche palette. On se souvient que le natif de Londres a tour à tour été capable de situer un roman en Sibérie en 1919, comme il l’a fait dans Un acte d’amour (Métailié, 2007, repris en Points). Ou de mettre en scène un grand reporter de guerre dans Nous commençons notre descente (Métailié, 2008). Le revoici aux affaires avec un opus complexe et ambitieux, Le cœur par effraction.
Meek tisse sa toile à Londres, « immense forêt de brique rouge et de tuiles ». De nombreux personnages entrent ici en connexion. Ancien rocker qui a connu la gloire du temps où il était le chanteur de The Lazygods, Ritchie Shepard est désormais patron d’une société de production et responsable d’un programme télévisé à la mode, Relooking d’ados. Le quadragénaire, très doué pour gérer les crises, habite une maison dans l’Hampshire, payée trois millions de livres cash. Il est marié à Karin, qu’il n’a nulle envie de quitter, et père de deux enfants. Cela ne l’empêche pas d’avoir une liaison avec Louise, 15 ans, qui n’aime que ce qui est cher et le quitte bien vite pour sortir avec un footballeur espoir de l’équipe des Queen’s Park Rangers.
Ritchie a une sœur cadette radicalement différente de lui. A 33 ans, Rebecca, dit Bec, est scientifique au Centre de contrôle des parasites. Elle a été demandée en mariage par Val Oatman, rédacteur en chef veuf, mais elle a décliné l’offre. Leur père, le capitaine des Forces spéciales Greg Shepard, n’est plus de ce monde. Autrefois, il a été fait prisonnier, puis a été torturé et exécuté en Irlande pour avoir refusé de donner un informateur.
Citons encore la présence d’Alex Comrie, ancien batteur, qui s’apprête à prendre la suite de son oncle à la tête du Bedford Institute. Un oncle, Harry, qui vingt-cinq ans plus tôt a découvert les propriétés des cellules expertes… Roman bouillonnant, toujours en mouvement, Le cœur par effraction sonde le monde actuel. Et nous éclaire sur les trahisons, les combats et les interrogations de personnages incarnés que l’on accompagne d’un bout à l’autre. Al. F.
