Les premières Rencontres nationales de la librairie, il y a deux ans à Lyon, avaient manifesté l’émergence d’une nouvelle génération de libraires, offensive et décomplexée. Avec 750 participants, dont 550 libraires, les deuxièmes, les 2 et 3 juin à Bordeaux, ont à la fois confirmé le renouvellement en profondeur des acteurs du métier et fait apparaître des écarts de situation exacerbés par la contraction du marché. Très commenté sur les bords de la Garonne, le taux de rentabilité moyen de la librairie indépendante de 0,6 %, tel qu’il ressort de l’étude Xerfi dont nous présentions les résultats la semaine dernière, est anormalement faible. Il est encore plus bas, voire négatif, dans des centaines de petites librairies qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le maillage du territoire, et celles-ci ont largement donné de la voix lors des rencontres.
Si l’on en croit le montant des aides annoncées à Bordeaux, elles ont été largement entendues. Aux 9 millions d’euros annoncés par Aurélie Filippetti dès le mois de mars se sont ajoutés 2 millions pour compléter l’intervention en librairie du Centre national du livre. Surtout, dans un geste inédit, le Syndicat national de l’édition a promis de mobiliser auprès de ses adhérents, sur une base volontaire, 7 millions d’euros gérés par l’Adelc. L’ensemble compose un plan sans précédent pour la librairie.
L’injection de 18 millions d’euros dans le circuit sous des formes diverses, dont certaines restent à préciser, donne cependant aussi aux libraires des responsabilités. Il y a trois décennies, la loi Lang n’a porté ses fruits qu’à ceux qui ont su se saisir des marges qu’elle leur donnait pour se moderniser, s’agrandir et se diversifier, tandis que beaucoup d’autres ont fini par fermer ou vendre leur magasin. De même aujourd’hui, le « plan librairie » de la ministre de la Culture et des éditeurs ne prendra tout son sens que s’il permet aux libraires de conforter leur position économique, sociale et culturelle ; d’innover pour s’ancrer dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler, comme aux Etats-Unis, leur « communauté ».