Le prix Pritzker, plus haute distinction du monde de l'architecture, a été décerné mardi aux Français Jean-Philippe Vassal et Anne Lacaton, apôtres d'une architecture dédiée au bien-être du plus grand nombre, combinant espaces généreux avec budgets modestes et techniques écologiques.
"Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu'à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d'amélioration de la vie du plus grand nombre", a estimé le jury de ce prix fondé en 1979, doté de 100000 dollars de récompense.
On leur doit la rénovation du Palais de Tokyo, le Dokumenta 12 à Kassel et le musée archéologique de Saintes. Ils avaient, par ailleurs, candidaté pour la Bibliothèque de prêt de Guadeloupe, la Médiathèque d'Angoulême et le Learning Center de Paris-Saclay.
"Ils y parviennent grâce à un sens aigu de l'espace et des matériaux qui engendre une architecture aussi solide dans ses formes que dans ses convictions, aussi transparente dans son esthétique que dans son éthique", a ajouté le jury dans un communiqué.
Troisième prix Pritzker pour des architectes français
Le duo d'architectes parisiens, déjà récompensé en France par le Grand Prix national d'architecture en 2008, s'est fait connaître avec la "maison Latapie", maison individuelle réalisée en 1993 pour une famille avec deux enfants, dans une rue banale de Floirac, tout près de Bordeaux, devenue emblématique d'un logement à la fois spacieux, autonome et bon marché.
Le couple - ils se sont connus à l'école d'architecture de Bordeaux, dont ils sont sortis en 1980 - est aussi récompensé pour avoir "redéfini la profession d'architecte", en privilégiant la transformation et l'amélioration de logements existants en milieu urbain, au détriment du neuf. Là où d'autres rêvent de faire table rase, dynamitent des grands ensembles jugés vétustes, eux voudraient convaincre d'"arrêter de démolir", a expliqué à l'AFP Jean-Philippe Vassal, 67 ans. "C'est tellement violent, tellement affreux d'habiter quelque part depuis 10 ans et soudain de voir disparaître un logement dans lequel un ami, un voisin a existé", dit-il. "Alors qu'on peut garder les gens-là, et à partir de l'existant, produire des logements que le standard est incapable de produire au même niveau de qualité, en dépensant deux fois moins d'argent."
Avec Anne Lacaton, le jury du Pritzker inscrit une sixième femme à un palmarès longtemps exclusivement masculin. L'anglo-irakienne Zaha Hadid a été la première lauréate en 2004, suivie par la Japonaise Kazuyo Sejima, co-lauréate en 2010, l'Espagnole Carme Pigem, co-lauréate en 2017, et les Irlandaises Yvonne Farrell et Shelley McNamara en 2020. Les précédents lauréats français du Pritzker sont Jean Nouvel, en 2008, et Christian de Portzamparc, en 1994.