Anne Berest : « J’ai écrit certains de mes romans dans des bibliothèques »
La romancière Anne Berest, autrice notamment de La Carte postale (Grasset), présidera le jury de la 14e édition du Grand prix Livres Hebdodes Bibliothèques. Elle partage dans cette interview son amour pour les bibliothèques, lieux d'émancipation.
Livres Hebdo : Pourquoi avoir accepté la présidence du jury du Grand prix 2023 des Bibliothèques ?
Anne Berest : C’est un honneur. Les bibliothèques sont des utopies, des utopies réelles…
Qu’entendez-vous par « utopies réelles » ?
Ce sont des îlots de culture qui brassent une vraie mixité. Les bibliothèques sont des lieux d’inclusion et d’égalité, elles sont ouvertes à tout le monde. Elles offrent un accès libre, gratuit à la connaissance, à l’information, à la littérature, à la bande dessinée, à la musique… Souvent, elles proposent aussi un accès à internet, à des ordinateurs… il y encore beaucoup de gens en France qui n’y ont pas accès. Donc les bibliothèques sont des espaces de liberté, d’émancipation aussi. Tout comme les librairies, les théâtres, les salles de cinéma… Les bibliothèques sont des lieux indispensables.
Quelle est la bibliothèque de votre enfance ?
J’ai grandi dans la ville de Sceaux, donc il s’agit de la bibliothèque municipale, où nous allions avec mes sœurs, les mercredis après-midi. J’ai des souvenirs très précis des moments passés là-bas. Et pourtant, j’ai une très mauvaise mémoire… Mes souvenirs d’enfance sont souvent flous ! Mais la bibliothèque municipale est restée gravée en moi, je revois des détails très précis : les meubles (avec des codes couleurs suivant les rayons), je me souviens des étiquettes collées sur la tranche pour l’organisation du rangement, de la typographie, je me souviens de la moquette dans les escaliers, des affiches qui annonçaient les spectacles… de l’odeur même de ce lieu. Je me souviens de tout.
Il paraît que vous jouiez à la bibliothécaire avec votre sœur ?
Tout à fait ! Avec ma petite sœur, Claire (qui est aussi écrivaine), nous avions une occupation favorite : jouer aux bibliothécaires. Nous pouvions y passer des heures entières. L’essentiel du jeu consistait en la fabrication de « cartes de lecteurs ». Nous dessinions les portraits à la place des photographies d’identités. Nous inventions des personnages qui venaient emprunter des livres. Puis, il fallait constituer le classement, le rangement (nous prenions nos propres livres ou ceux de nos parents). Il fallait rédiger les fiches qui se trouvaient à l’intérieur de chaque livre, avec les dates d’emprunt et de retour. Nos adhérents étaient nos poupées, que nous devions évidemment guider dans leurs lectures, en les conseillant, en faisant des résumés des livres. Tout un travail…
Et votre bibliothèque étudiante ?
J’ai beaucoup fréquenté les bibliothèques pendant mes études. Lorsque j’étais en classe préparatoire, j’ai passé des heures entières à la bibliothèque Sainte Geneviève. Je me souviens des lampes vertes, des tables en bois. Et sur la façade blanche, les noms des auteurs, gravés dans la pierre, à l’endroit de leur rayonnage - cela m’a toujours fascinée. Le dimanche j’allais à la bibliothèque du musée Georges Pompidou. Un vrai contraste, un saut dans le temps et la modernité.
Fréquentez-vous encore les bibliothèques ?
Oui, j’ai beaucoup fréquenté les bibliothèques dans ma vie d’écrivain. Je les envisage comme un « bureau », au même titre que j’aime aussi écrire dans certains cafés. J’ai entièrement écrit certains de mes romans, en alternant cafés et bibliothèques. Suivant les époques, suivant où j’habitais dans Paris. Par exemple, j’ai écrit mon livre sur Sagan à la bibliothèque Mazarine. Et le livre suivant à la bibliothèque André Malraux. Ma soeur et moi avons fait la plupart de nos recherches sur Gabriële Buffet, pour le livre que nous avons écrit ensemble sur notre arrière-grand-père, à la bibliothèque François Mitterrand, dans l’espace réservé aux chercheurs.
Une bibliothèque qui vous a marquée ?
Je voudrais évoquer une association qui s’appelle « Bibliothèques sans frontières ». Ils font un travail extraordinaire pour apporter des bibliothèques, en France et dans plus de cinquante pays. L’association crée des espaces culturels qui permettent aux personnes touchées par les crises et la précarité de s’instruire, de se divertir, de créer du lien et de construire leur avenir. En 13 ans, ils ont formé près de 10 000 bibliothécaires, professeurs et animateurs à la médiation éducative et culturelle.
A quoi ressemble votre bibliothèque idéale ?
Je ne sais pas… À ce qu’elles sont déjà… J’ai soudain l’image d’enfants qui lisent par terre, entre les rayons de livres… Ça, c’est l’image d’un idéal.
Le jury du Grand prix Livres Hebdo des bibliothèques 2023
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Par
Élodie Carreira
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