Frances Thorpe, la trentaine morose, est mal partie dans la vie et menace d'arriver nulle part. Fille résignée de naissance de la classe moyenne britannique, elle exerce le plus discrètement du monde ses talents comme secrétaire de rédaction au sein des pages livres d'un grand quotidien londonien. Et alors qu'elle n'a pas d'autre perspective que d'essayer d'échapper au prochain plan social qui ne manquera pas de frapper son journal, un événement, enfin, surgit dans sa vie. Un dimanche soir, sur la route qui la ramène du triste pavillon de ses parents vers son non moins triste appartement, elle est l'unique témoin d'un accident de la route et des derniers instants d'Alys, la femme du célèbre romancier Laurence Kyte, arbitre des élégances littéraires à Londres. Ce coup du sort pourrait bien être pour elle un coup de chance, et Frances révéler à cette occasion une duplicité qui confine au génie...
Pendant de nombreuses années, Harriet Lane a été journaliste (à l'Observer tout d'abord, puis au Guardian, à Vogue et au Times). Elle n'ignore rien des grandeurs et des servitudes de ce petit monde incestueux, souvent vain, parfois grandiose. On aurait toutefois tort de réduire son formidable premier roman, Le beau monde, à une chronique désenchantée du milieu littéraire. Frances, son héroïne, doit peut-être quelque chose à la Eve Harrington du chef-d'oeuvre de Mankiewicz, All about Eve. Et Laurence, s'il doit aux figures tutélaires de Martin Amis ou de Ian McEwan, est un splendide personnage d'homme qui tombe... Dans ce roman plaisamment cynique, c'est le Londres d'aujourd'hui, son effroyable stratification sociale comme son énergie, qui nous est conté avec les accents ironiques d'un Evelyn Waugh. C'est atroce et réjouissant.