Fendre la peau de l'ours. Angèle lève les yeux vers le beau soleil d'hiver. Un homme se tient les bras écartés, en haut d'un immeuble. Il saute dans le vide. Mais « un instinct d'animal m'a fait reculer d'un pas, juste un », se souvient la narratrice de La nuit de l'ours d'Alexandra Julhiet. Déjà éprouvée par une séparation, la femme de 39 ans croit devenir folle. Le choc de ce suicide qui faillit également la tuer a-t-il provoqué une bouffée délirante ? Elle décide de rendre visite à son vieux père, ancien psychiatre, qui perd un peu la tête et qu'elle a négligé ces derniers temps. Trop heureux de revoir sa fille chérie, il lui propose d'aller ensemble dans ce patelin des Pyrénées où Angèle passa sa prime enfance. Elle n'en garde aucun souvenir, hormis des réminiscences floues, tel cet isolement forcé, toute petite. Lui revient la voix de sa mère lui répétant que c'est pour son bien. Ne lui reste qu'une photo d'elle avec sa meilleure amie. Lorsqu'elle reconnaît cette dernière au village, la camarade de classe d'antan prétend ne pas la connaître... Angèle mène l'enquête : l'asile psychiatrique du coin, aux thérapies bizarres, est tenu par une puissante famille. Son père y a travaillé... L'autrice de Car un jour de vengeance (Calmann-Lévy 2023, repris par Le Livre de Poche, 2024) a l'art de faire tourner les pages en instillant une angoisse addictive mêlant menace externe et troubles internes de sa protagoniste. Agressée par un inconnu déguisé en bête sauvage lors de la fameuse fête de l'Ours, rite de passage local où les jeunes gens jouent au chasseur et à la proie, Angèle se demande surtout qui elle est.