C’était une semaine d’été, il y a vingt ans. A Paris, du côté des Grands Boulevards. Un jeune homme solitaire errant par hasard dans la fraîcheur du soir, une salle de jeux et une jeune femme manifestement aussi désœuvrée que lui. Elle s’appelle Federica et va offrir à son compagnon de hasard, quelques jours durant, mieux qu’une liaison, mieux peut-être même qu’un amour, une adorable façon de passer le temps. Il y aura des nuits à la belle étoile sur les toits de la ville, du vin frais dans les bistrots, l’ombre propice des jardins, toute l’éternelle poésie de Paris comme réorchestrée par la poétique propre de cette fille fantasque. La parenthèse enchantée pourra se refermer très (trop) vite, le jeune homme n’oubliera pas.
Et puis, il y a cet article dans un journal du soir, vingt ans plus tard, qui relate un possible fait divers. Il y est fait mention de la tragique et suspecte disparition d’un couple d’architectes romains retrouvés morts au pied d’une falaise des Dolomites, non loin de la frontière autrichienne. Accident? Suicide? Meurtre? Pour les aider à le savoir, les carabiniers aimeraient bien mettre la main sur une femme vue quelques heures seulement avant sa disparition, en compagnie du couple, une certaine et mystérieuse Federica Bersaglieri… Et c’est ainsi parfois que des toits de Paris aux sommets des Alpes, d’ici et ailleurs, d’ici à higher, à deux décennies de distance, le temps est retrouvé.
Federica Ber est le cinquième roman du Franco-Américain Mark Greene, le premier chez Grasset. C’est aussi peut-être le plus abouti; celui où il donne le plus justement libre cours à son goût pour ces fictions spéculatives et évanescentes à la Modiano. L’enquête que mène le narrateur est au moins aussi centrée sur sa jeunesse perdue que sur cette femme évanouie dans les corridors de sa mémoire. Le réel y est en habit de lumière. D’ombres et de lumières. Olivier Mony