Accueilli par le premier adjoint à la mairie de Paris chargé de la culture, Bruno Julliard, le futur immortel qui sera officiellement intronisé jeudi 28 mai à 15h est arrivé sous les applaudissements de l'audience, accompagné de la secrétaire perpétuelle de l'Académie française, Hélène Carrère d'Encausse, de l'académicien Jean d'Ormesson et de la présidente du comité de l'épée, Béatrice Monti della Corte.
Après avoir remercié les officiels présents (la princesse Caroline de Hanovre, le délégué général du Québec à Paris Michel Robitaille, la ministre de la Culture et des Communications du Québec Hélène David et les ambassadeurs d'Haïti) puis souligné les liens unissant Haïti, Paris et le Québec, Bruno Julliard a laissé le micro à Jean d'Ormesson, chargé de remettre son épée à Dany Laferrière et qui a, comme à son habitude, ravi le public de ses anecdotes et de ses bons mots.
Portée symbolique
Applaudi à de nombreuses reprises par les auteurs (Alain Mabanckou, Daniel Picouly, Yanick Lahens, Emmanuel Carrère...), éditeurs (Olivier Nora et Charles Dantzig de Grasset, Laure Leroy de Zulma, Héloïse d'Ormesson), artistes (Charlotte Rampling, Abd Al Malik...) et académiciens (Dominique Bona, Xavier Darcos, Amin Maalouf...) présents, "Jean d'O" a rappelé, non sans humour, la singularité de l'élection de Dany Laferrière sous la Coupole : "Tu es Noir, Haïtien, réalisateur de films, Québécois, écrivain même. Tu ne crois pas que tu exagères un peu ?"
La portée symbolique de cette intronisation n'a d'ailleurs pas échappé au plus ancien élu de l'Académie française, le nouvel immortel succédant au siège numéro 2 à Hector Bianciotti: "A un Franco-argentin d'origine italienne va succéder un Québécois d'Haïti, qui sera reçu par un Libanais (Amin Maalouf). Voilà ce que c'est, l'Académie française."
Concluant son discours par une déclaration d'amour à Dany Laferrière ("j'ai eu un coup de foudre pour toi"), l'académicien aux yeux bleus à remis son épée au nouvel immortel, qui s'est à son tour fendu d'un discours aux accents intimistes acclamé par l'audience.
"Né à Haïti, né écrivain à Montréal"
De son enfance à Haïti à son adolescence sous la dictature de "Papa Doc", de son exil précipité à Montréal à ses premières lignes écrites en tant qu'auteur, Dany Laferrière est longuement revenu sur son parcours, personnel et professionnel, expliquant qu'il était "né à Haïti, mais né écrivain à Montréal."
Charmant lui aussi le public, le Québécois de 62 ans a tenu à rendre un hommage appuyé à sa mère, grande lectrice de la revue Historia, "en particulier des articles signés par les académiciens", avant de s'attarder sur quelques souvenirs. Son premier coup de fil à Belfond ("Pourrais-je parler à Pierre ?"), maison éditrice de son premier roman, Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer (1989). Son voyage à Haïti auprès de sa mère juste après son élection à l'Académie en décembre 2013 ("elle n'arrivait pas à comprendre que son fils était devenu immortel"), ou encore sa rencontre avec un jeune garçon à Port-au-Prince, énumérant devant lui la liste de ses "collègues du 2" : "C'est en arrivant à Montesquieu que j'ai compris ce qu'il se passait."
Fidèle à sa réputation de showman, Dany Laferrière a conclu son discours un large sourire aux lèvres en lançant ses feuilles à l'assistance. Avec lui, l'Académie ne devrait pas s'ennuyer.