La plus belle histoire du monde. C'est ainsi que le philosophe Alain évoquait la destinée étrange et sublime de Jeanne d'Arc. "L'histoire de Jeanne d'Arc n'est pas seulement une "belle histoire", elle n'a pas seulement une dimension mystérieuse. Elle est surtout vraie, au sens traditionnel et banal du terme", souligne le médiéviste Philippe Contamine dans son introduction au copieux Jeanne d'Arc, histoire et dictionnaire, écrit avec Olivier Bouzy et Xavier Hélary. C'est donc cette vérité qui est mise en lumière par ce trio d'historiens spécialistes du sujet, une vérité puisée aux meilleures sources. Celles-ci ont d'ailleurs été démontées en 2008 par Colette Beaune, une autre historienne réputée, dans Jeanne d'Arc, vérités et légendes, qui reparaît dans la collection "Tempus".
Mais revenons à cet Histoire et dictionnaire, qui nous propose de manière simple et accessible tous les matériaux dont nous disposons pour retracer cette vie qui a tant fait fantasmer. Elle n'était pas bergère, mais fille de paysans aisés. Elle ne fut ni fille cachée du roi, ni sorcière, ni putain. Née le 6 janvier 1412 à Domrémy, en Lorraine, morte sur le bûcher le 30 mai 1431 sur la place du Vieux-Marché à Rouen. Entre les deux, quelques zones d'ombre, assez vite dissipées quand on prend la peine de plonger dans les trois cents articles du dictionnaire ou de suivre le récit de ses métamorphoses au fil des temps.
La grande originalité de cette partie de l'ouvrage réside dans ses multiples approches, notamment la façon dont la littérature, de Voltaire à Anouilh, s'est emparée du personnage. On apprendra également que Mark Twain contribua beaucoup à faire connaître Jeanne d'Arc aux Etats-Unis, que les psychiatres du XIXe siècle sont passés de l'hystérie à la schizophrénie dans leur diagnostic, avant d'abandonner cette encombrante patiente aux historiens, et même que la publicité avait fait grand cas de cette icône avec une marque qui lançait en 1996 pour son nouveau lecteur de DVD, sur fond de jeune fille en armure et cheveux courts : "En plus d'entendre des voix, vous allez avoir des visions."
C'était finalement assez bien résumer une situation où le mystique se transforme en politique, pour reprendre la formule de Péguy. A une époque et dans une société où Dieu et diable sont ressentis quotidiennement, les voix et les visions doivent être prises en compte, de manière anthropologique, sans vouloir à tout prix les expliquer par la métaphysique du XXIe siècle.
C'est pourquoi, dans cette histoire franco-anglaise, l'inattendu vient d'un Allemand, spécialiste de la Première Guerre mondiale. Gerd Krumeich a publié en 2006 un livre précis et descriptif pour présenter la Pucelle outre-Rhin. Il le reprend aujourd'hui sous le titre Jeanne d'arc en vérité en y intégrant les derniers travaux qui ont fait date, comme la biographie de Cauchon par Jean Favier. Il parvient ainsi à dégager une réalité entre les convictions et les croyances qui ne cessent d'interférer dans le débat scientifique.
Trois livres, donc : un pour explorer le vaste territoire Jeanne d'Arc, un autre pour démonter les hypothèses farfelues et un dernier pour voir comment un Allemand s'y est pris pour si bien comprendre cette figure française.