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Zep : "C'est notre devoir humain d'ouvrir les frontières"

"Mi petit, mi grand…" dans What a Wonderful World, le blog de Zep sur LeMonde.fr - Photo Zep / Le Monde

Zep : "C'est notre devoir humain d'ouvrir les frontières"

Mardi 8 septembre, Zep a publié sur son blog une planche de Titeuf intitulée "Mi petit, mi grand..." faisant écho au drame des réfugiés qui affluent actuellement en Europe. Abondamment partagée sur les réseaux sociaux, elle a été publiée dans le journal Le Monde de vendredi. Le dessinateur a expliqué sa démarche à Livres Hebdo.

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Par Marine Durand,
Créé le 10.09.2015 à 22h04

Et si Titeuf se retrouvait dans la position d'un réfugié, obligé de fuir un pays en guerre avant d'être bloqué à la frontière ? C'est la situation qu'a imaginée Zep, le papa du célèbre écolier à la mèche blonde, dans une planche postée mardi 8 septembre sur son blog "What a wonderful world", hébergé par Le Monde.fr. Intitulée "Mi petit, mi grand...", la planche confronte dès la seconde case Titeuf à la mort de son père, soufflé par un bombardement. Tandis qu'il tente de fuir, le héros voit également mourir ses amis Manu, Nadia ou encore sa maitresse, avant de trouver lui-même la mort sur une barrière de barbelés. La dernière case est noire.

Loin de la légèreté habituelle du dessinateur suisse et de son célèbre personnage, l'émouvante série de dessins, qui fait écho à la situation dramatique des migrants syriens, a touché de très nombreux lecteurs, et la page a été "likée", partagée, retweetée, relayée plusieurs dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux avant de se retrouver en une de l'édition de vendredi du quotidien Le Monde, une première. Le journal a consacré une page entière en diffusant, en version imprimée, l'histoire de Titeuf piégé par la guerre.

Encore stupéfait de l'ampleur prise par le mouvement, Zep a répondu aux questions de Livres Hebdo.

Livres Hebdo : Comment avez-vous réagi lorsque Le Monde vous a proposé de réfléchir à une façon de traiter l'arrivée des migrants en France ?

Zep : Au départ, je ne pensais rien faire, car lorsqu'un humoriste ou un dessinateur de presse produit un travail autour de l'actualité, il y a toujours le risque de faire quelque chose de drôle, et je voulais absolument éviter de tomber dans le cynisme ambiant. Puis je me suis que la meilleure chose à faire était de raconter tout simplement l'histoire d'un migrant, son parcours, qu'il n'a pas choisi.

Pourquoi avez-vous choisi de mettre en scène Titeuf, alors qu'il est peu présent sur votre blog ?

Depuis quelques années, nous avons été tellement suralimentés d'images, d'informations au sujet de la situation dramatique que vivent les réfugiés syriens, que nous avons fini par prendre une forme de distance. J'ai pensé qu'il serait plus efficace de montrer un personnage auquel le public a l'habitude de s'identifier, plutôt qu'un inconnu de plus qui n'aurait rien suscité.

Postée sur votre blog mardi dans la soirée, la planche a été partagée plusieurs dizaines de milliers de fois sur Facebook. Le Monde a choisi ensuite d'en faire sa une, ce qui est inédit. Vous attendiez-vous à créer une telle émotion ?

Je pensais que cela aurait un écho, mais je n'imaginais pas une telle ampleur. J'ai fait la planche d'une traite, sans souffler, ces pages ont une grande charge émotionnelle. C'est difficile de tuer ses personnages ! J'ai souffert avec Titeuf, et je crois que les lecteurs aussi parce qu'on ne l'attend pas sur ce terrain là, ça n'est pas son destin de mourir dans des barbelés. Je crois que cette planche a été autant relayée parce qu'elle a permis aux gens de dire ce qu'ils avaient à dire et qu'ils ne savaient pas formuler.

Vous expliquez dans Le Monde espérer que cela puisse "déclencher des choses". A qui s'adressent ces dessins ? Aux artistes, aux politiques, aux citoyens ?

Avant tout aux citoyens, d'ailleurs ce sont eux qui ont réagi très vite. Dans les faits, ma page ne sert à rien, mais on a un besoin humain de se sentir en fraternité avec les gens qui souffrent. J'espère que cela permettra de changer un peu notre regard sur les réfugiés, et de façon plus durable qu'une statistique. Certaines personnes m'ont demandé de pouvoir traduire la planche, des professeurs souhaitent l'utiliser dans leur classe, je trouve cela positif. Il me semblait aussi important de montrer ce que vivent ces gens, pour contrer les discours odieux que l'ont a pu entendre avec l'arrivée de ces personnes en France. C'est notre devoir humain d'ouvrir les frontières.

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