Témoignage

Zarifa Adiba, Anne Chaon, «L'indomptable» (Robert Laffont) : Tonalités rebelles

Zarifa Adiba - Photo © Diana Aitykeeva

Zarifa Adiba, Anne Chaon, «L'indomptable» (Robert Laffont) : Tonalités rebelles

Armée de sa passion, la musicienne afghane Zarifa Adiba a bravé tous les interdits pour devenir chef d'orchestre et violoniste. Un destin admirable raconté avec la complicité de la journaliste Anne Chaon. Tirage à 7000 exemplaires.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 16.11.2021 à 19h03

Il existe des pays, où il n'est pas évident de déployer ses ailes. À l'heure où l'Afghanistan sombre dans l'horreur, « l'ONU affirme qu'il est le pire endroit sur terre pour naître femme ». C'est pourtant là que Zarifa Adiba voit le jour en 1998. Petite fille, elle adorait déjà chanter, or « la musique reste "haram", interdite au nom de l'islam. » Elle paraît totalement inaccessible aux yeux de cette famille monoparentale désargentée, mais c'était compter sans la volonté de fer de Zarifa. Consciente d'être « l'héroïne de [s]a propre vie », elle suit son chemin sans ciller, quitte à faire quatre heures de route par jour pour rejoindre son école musicale. « Maman a toujours du mal à assumer que sa fille soit musicienne... Face à de tels préjugés, je suis une rebelle dans une petite vie. » Une vie ancrée dans une terre patriarcale, où « les filles sont "dokhtar mar mardom asta", la propriété d'un autre. »

Sa chance ? La rencontre avec un homme exceptionnel, qui croit tout de suite en la future violoniste, le Dr Ahmad Sarmast. Il dirige l'Institut national afghan de musique (Anim). Ce musicologue et trompettiste possède une vision révolutionnaire, puisqu'il aspire à l'égalité sexuelle et ethnique. Il fonde le premier orchestre entièrement féminin. À 18 ans, « moi, Zarifa, "l'Élégante" en persan » est chargée - en tant que chef d'orchestre - de conduire ce beau projet au forum de Davos. Elle espérait y sensibiliser Michelle Obama à leur sort, mais la Première dame des États-Unis n'est jamais venue. Cette expérience a toutefois renforcé les convictions de la jeune fille, son « rêve d'étudier le droit pour défendre le droit des femmes et l'accès à l'éducation et aux arts. » Un parcours semé d'embûches... Plusieurs membres de son orchestre féminin sont mariées dès leur retour au bercail. Révoltée, Zarifa refuse ce destin tout tracé. À elle d'inventer le sien, quitte à secouer les mentalités, y compris au cœur de sa propre famille. « Les Afghans sont fiers, c'est ce qui les tient dans l'adversité. Je veux étudier, devenir quelqu'un, je veux être respectée et utile. »

Voilà pourquoi elle publie ce témoignage, incroyablement aventureux et courageux, avec la complicité de la journaliste Anne Chaon. Aujourd'hui, la « bad girl » Zarifa étudie la politique internationale et le journalisme dans une université américaine, mais elle se désole de ce qui se déroule en Afghanistan avec le retour des Talibans. « Le pays continue de s'enfoncer dans le cauchemar. Ils ont tué notre besoin d'humanité, nos rêves de liberté, de justice. Ils ont tué nos espoirs. » N'empêche que la jeune femme refuse de baisser les bras. Sa mère, qui l'encourage vivement, a contribué à modifier sa vision féministe. « Zarifa, tu dois toujours garder à l'esprit que tu une Afghane. Ce n'est pas seulement ton histoire, c'est aussi celle de nombreuses filles. » La principale concernée soutient d'ailleurs : « Je ne veux surtout pas qu'on me plaigne, je veux qu'on nous admire. La vie est trop courte pour être gaspillée, donc profitons-en ! »

Zarifa Adiba, Anne Chaon
L’indomptable
Robert Laffont/Versilio
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 20 € ; 270 p.
ISBN: 9782221239179

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