Livres Hebdo : À l’heure des réseaux sociaux, des blogs, de Wattpad, etc. quel sens a encore une revue littéraire ?
Yannick Haenel : Dans l’éditorial, je cite Elon Musk qui a vendu la mèche sur la société de l’immédiateté en affirmant qu’on n’aura bientôt plus besoin du langage. Pour lui, tout doit devenir binaire. Une revue, c’est au contraire une manière de complexifier le jeu et de croire dans la liberté du langage. Notre rapport frénétique à l’information est fondé sur le fait que tout est toujours neuf, et que toute chose en chasse une autre. Une revue fait fond, quant à elle, sur la profondeur du temps. Aventures aura deux numéros par an : c’est une temporalité idéale pour la pensée.
Pourquoi ce nom, de quelles « Aventures » s’agit-il ?
Ça vient d’un texte peu connu de Rainer Maria Rilke dont je publie une nouvelle traduction par Olivier Le Lay : un texte merveilleux sur l’extase érotique. L’aventure, pour moi, c’est la matière poétique elle-même, c’est ce qu’on fait avec le langage. Je fais le pari qu’il ne se réduit pas à la communication. La littérature telle que je l’aime – sexy, enflammée, complexe, spirituelle – appartient à un lieu qui n’est pas répertoriable. Elle résiste à l’homogénéisation en cours.
J’ai ouvert ce premier numéro avec une enquête : « Écrivez-vous des scènes de sexe ? » J’ai posé la question à 65 écrivains, autant de femmes que d’hommes. Ce qu’ils ont à répondre ne peut se dire que dans une revue, grâce à son temps lent, à son espace
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