L'île aux fleurs : un nom emprunté au court métrage du réalisateur brésilien Jorge Furtado, « allégorie en moins de 15 minutes de la vie capitaliste », qui suit la trajectoire d'une tomate, de la plantation à la déchetterie. En baptisant sa maison d'édition ainsi, Xavier Jubien annonce la couleur. Si ce professionnel du secteur culturel, qui a baigné dans l'autoédition, a posé les bases de sa structure en juillet 2024, son catalogue s'ouvre en 2025, avec un rythme de parution de deux titres par an, en accord avec le distributeur et diffuseur Serendip. 

« Je me retrouve dans la notion de "littérature sociale", explique l'éditeur basé à Montreuil. Et je souhaite travailler sur des voix un peu marginalisées, qui n'ont pas le droit de cité dans la grande édition. » Le premier livre de la maison, L'arche et le désert, a paru le 4 avril et réunit des textes de Mike Davis, chercheur universitaire, et ancien camionneur, décédé en 2020. « C'est un des premiers écrivains sur lesquels j'ai travaillé, dans le cadre d'un recueil fait à plusieurs mains, raconte Xavier Jubien. J'adorais son œil décalé et pertinent, et pour L'arche et le désert, j'ai extrait les textes qui parlaient de réchauffement climatique, car Mike Davis était spécialisé dans l'urbanisme. Il y démontre comment le capitalisme détruit les biens sociaux, et exhume les travaux de Kropotkine sur l'environnement. C'est souvent un aspect délaissé de cette figure qui incarne un avatar de la pensée anarchiste. » Pour une plus grande contextualisation de la vie de l'auteur, Xavier Jubien a fait appel à son premier traducteur, Marc Saint-Upéry, « la personne francophone le connaissant le mieux », qui signe la préface.

À venir, l'autobiographie de James Carr et un essai de Lotfallah Soliman

Au-delà des écrits, ce sont donc les parcours qui résonnent aussi avec la ligne éditoriale future de L'île aux fleurs. Après Mike Davis, Xavier Jubien se lancera dans la publication de l'autobiographie de James Carr, Crève, où le militant noir-américain raconte le ghetto, la prison et ses propres combats dans les années 1970. Autre projet : faire paraître l'essai de l'Égyptien Lotfallah Soliman Pour une histoire profane de la Palestine, qui retrace l'histoire de la région, dénonce les guerres de chapelles et déconstruit les discours officiels. « Proche de la cause palestinienne, Lotfallah Soliman est un intellectuel arabe au point de vue unique. C'est ce que je recherche : ces points de vue uniques, qui oscillent entre la marge et le centre, et jouent avec leurs limites. »