Economiste, historien, universitaire de haut vol, le Tamoul Sanjay Subrahmanyam a accompli son parcours de globe teacher à Delhi, à Paris (EHESS, puis professeur invité au Collège de France), à Oxford, à l’Ucla… On dirait une chanson de William Sheller. On lui doit, en particulier, le concept d’"histoire connectée", notamment appliqué à son pays, l’Inde. Il réfute l’idée d’un pays autonome, d’une civilisation étanche "envahis" de l’extérieur, lui préférant celle d’un carrefour, d’une mondialisation économique, religieuse et culturelle, et ce dès la haute époque, bien avant l’arrivée des Moghols. C’est séduisant, vraisemblable, mais difficile à démontrer, et matière à haut risque dans un pays aussi chatouilleux sur son histoire nationale, surtout depuis le retour au pouvoir, l’année dernière, de la droite hindouiste du BJP, alliée traditionnelle des extrémistes du RSS, que Subrahmanyam appelle ses "porteurs de shorts kaki". Notre homme est un bretteur qui n’a pas peur des mots.
Il a rassemblé ici une vingtaine de textes, articles parus dans la presse, plus quelques inédits, dont un (quelque peu décevant) sur Paris. Certains traitent d’histoire et de politique, de façon subjective, avec parfois des polémiques indo-indiennes difficiles à suivre pour le profane. Comme celles sur le "sécularisme" ou la prétendue "pureté originelle" des hindous. D’autres sont consacrés à des écrivains, qui en prennent parfois pour leur grade : Naipaul, en particulier, sur son "dégoût de l’Inde", Amit Chaudhuri sur ses positions politiques, ou Aravind Adiga et son Tigre blanc, Man Booker Prize 2008, très surestimé selon Subrahmanyam. Au passage, on le priera de relire, en français, Salammbô de Flaubert, qui n’est en rien de "l’orientalisme tarabiscoté". Enfin, il retrace son parcours personnel, traitant des pays qu’il a beaucoup visités, ou bien où il a vécu, avec en particulier des pages extrêmement intéressantes sur la relation entre l’Inde et Israël, où 70 000 Juifs indiens ont émigré après 1948. Sujet peu connu.
C’est varié, brillant, parfois un tantinet irritant. Du pur Subrahmanyam. J.-C. P.