Journal d'une année noire , de John Maxwell Coetzee (Seuil). C'est risqué, mais il faut tenter. (Ou : cela ne changera rien, mais ne faut-il pas écrire?) Dans la deuxième partie de son journal, au chapitre De la vie érotique , Coetzee définit ce qu'est un womanizer . C'est un coureur, un homme à femmes. C'est « un homme qui met une femme en pièces et qui la reconstruit comme une femme ». Il ajoute que les femmes aiment ce genre d'hommes. Viennent, à travers le récit d'un ami, des réflexions sur l'observation d'un geste indiquant le comportement de l'être désiré, la différence entre le fantasme et la réalisation d'un acte De « sa façon de tourner le poignet » découle ses mouvements « dans les bras d'un amant, comment elle [va] joui r ». Et comment nous lasserions nous de nos échecs, des rebuffades incessantes du réel, de nos répétitions d'actes ? « Sans le réel nous mourons comme on meurt de soif ». La puissance de l'imaginaire. La nécessité du réel comme source. Dans sa dernière chanson, Womanizer , au top, Britney Spears change de tenues, endosse des rôles, des figures de fantasmes, repousse un beau prétendant et répète qu'elle ne cédera pas. Coureur, coureur, coureur, coureur. « Je sais ce que tu es ». Elle joue avec. Anya, la secrétaire chargée de taper les opinions tranchées de Coetzee et de son double JC, jette le trouble, elle aussi, naturellement. Pourquoi ne pas les juxtaposer, les mettre en parallèle ? Elles sont efficaces, sincères, entières. Elles ne lâchent pas. Seul le regard de celui qui écoute les rend à elles-mêmes. Dans un triple récit qui est un journal, la page est divisée par des lignes, des portées qui accompagnent les voix qui se posent et s'installent peu à peu. Une commande ; au menu, opinions tranchées. L'Etat, le déshonneur, l'apartheid, le corps, la musique... Le monde est autour de l'immeuble, aucun paysage, il parle de nous, une femme apparaît. Une relation particulière, ténue, et non ironiquement dénuée de sexe s'instaure. Le soir, elle parle avec son mari, Alan. Elle s'ennuie. Que lui arrivera-t-il ? *** Ici un bruit de bottes s'éloigne, descendant l'avenue, je bifurque vers une zone de silence pour entrer dans ma rue, puis chez moi, abandonner les derniers pas dans l'escalier, signer le retour à soi. Cette nuit, un autre texte s'ouvre, des corps se dessinent, des paroles s'évanouissent. Dans un rêve, une main *** Un livre parle d'autres livres. En lui il recèle son propre récit, ses mises en abîme, sa mélodie, ces voix intermittentes qui courent, convergent et divergent. Un écho se prolonge, une phrase tombe comme un couperet. La précision et l'originalité du discours, des détours, nous éveille ; les vues abstraites, élevées, autant qu'une dispute conjugale, détails de l'éros et angoisse de la fin. L'auteur peut avoir tort, être parfois naïf, ou légèrement cliché. Il voit ses limites, nous voyons son courage. Il présente une idée, elle est démentie, l'oeuvre contient ses propres contradictions, et son charme. C'est un morceau de vie, une épaisseur, une sensibilité. Et comment ne pas être touché par les dernières pages sur Bach et Dostoiëvski, cette échappée, cette fortification, et cet adieu, de ce fameux geste qui englobe tant de choses. Une lettre, quelques mots chuchotés.