Né en 1961 à Londres, Will Self est outre-Manche une figure aussi bien littéraire que médiatique : qui ne connaît là-bas son long visage émacié et son oeil clair d'illuminé, sa prose truculente empreinte de satire postmoderne croisant Lewis Carroll, J. G. Ballard, Freud et la Déconstruction ? La théorie quantitative de la démence, son premier livre, un recueil de nouvelles publié en 1991, lui valut les compliments de Doris Lessing et de Salman Rushdie ; il y eut ensuite Mon idée du plaisir, le trajet psychanalytique d'un jeune garçon élevé dans une caravane à Brighton ; Ainsi vivent les morts, un guide de Londres corrigé par le Bardo Thödol, le Livre des morts tibétain ; Dorian, le roman d'Oscar Wilde "updaté" ; Le livre de Dave, les Mémoires d'un taxi londonien devenu texte sacré après l'Apocalypse...
Avec Le piéton de Hollywood, Will Self inaugure un nouveau genre : le récit de voyage loufoque traversé par les thèmes de la création, de la maladie d'Alzheimer, de la déchéance et de la mort. Le livre commence de manière assez comique : le narrateur, promeneur névrotique, tombe sur un vieux camarade de classe, Sherman Oaks, une personne de petite taille et aujourd'hui géant du monde de l'art. Le statut et la stature du célèbre nain l'interpellent sur la relativité des choses : "Sherman avait toujours eu la large tête et les membres courts associés à l'achondroplasie (Je préfère ce terme à celui de "nanisme disproportionné" ; car qui peut dire les justes proportions du corps humain ?)" Et du reste. Le livre est en vérité un long questionnement, une réflexion sur la vérité et l'illusion, et la mort de l'illusion - à savoir la mort du cinéma. L'écrivain part à Hollywood mener l'enquête et croise dans une atmosphère de schizophrénie urbaine Bret Easton Ellis interprété par Orson Welles. La confusion est voulue, elle est dans la tête du protagoniste en proie aux hallucinations. Et si l'on est perdu, peu lui chaut. Récemment, dans un entretien, Will Self déclarait "ne pas écrire pour les lecteurs".