De Photoshop au Botox, l’époque ne souffre guère qu’on montre les aspérités du réel. Nous dérange tout ce qui ne correspond pas aux standards de bonheur d’une existence justifiée par le confort et le divertissement. Aussi faire l’éloge de l’épreuve semble-t-il curieux ? Pas pour un chrétien, encore moins en plein carême. Sont réunies ici cinq conférences, données en cette période de jeûne à la cathédrale de Metz par une écrivaine, une philosophe, une femme médecin, une théologienne et une économiste. Epreuve et non pas malheur car il ne s’agit surtout pas de se complaire dans un fatalisme mortifère mais de réfléchir au tragique qui définit l’humain et dont l’acceptation ne contredit pas la foi en une lumière qui éclaire au-delà de notre propre fin. Eloge de la rupture, selon Sylvie Germain : l’arrachement, si douloureux soit-il, est nécessaire. Sans séparation, point de conscience ni d’amour, car point de liberté. Marie Madeleine rencontre Jésus ressuscité et veut le retenir. Noli me tangere, lui dit-il, "ne me touche pas". "Il retourne le désir de la femme - non plus saisir, tenir, mais dire, témoigner. Qu’elle apprenne à l’aimer dans la mobilité, l’échappement, à l’aimer tel qu’il est : le Verbe s’épanchant sans fin ni mesure en lumière et en vie." L’image du sépulcre déserté par le Christ est reprise par la spécialiste du développement durable Elena Lasida pour rappeler que "le tombeau vide n’est pas le miracle de la vie après la mort, mais celui de la vie arrachée à la mort, qui traverse la mort. C’est le miracle que nous vivons chaque fois que nos absences deviennent le lieu d’une nouvelle présence".
Larmes qui nous relient aux autres : "on pleure toujours devant quelqu’un" (Anne Lécu), solitude "creuset de notre vie spirituelle", "trait d’union [entre l’être et le paraître] qui interdit de penser que nous puissions absolument être ce que nous sommes en totale lumière" (Véronique Margron)… On apprécie dans ces méditations le ton jamais solennel, mais infiniment sensible, une écriture nourrie par l’expérience, ces souffrances, "matrice de la création, quand s’opère le retournement de l’effroi en langage" (Nathalie Sarthou-Lajus).
S. J. R.