17 août > Roman France

C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit. Le 8 août 1969, au 10050 Cielo Drive, Los Angeles. Ronald Reagan s’apprêtait à se faire réélire au poste de gouverneur de la Californie en s’en prenant aux hippies ("habillés comme Tarzan, la coiffure de Jane et l’odeur de Cheetah…"). Un peu après minuit, quatre d’entre eux, défoncés, à l’instigation d’un gourou sataniste et racialiste nommé Charles Manson, pénètrent dans cette villa, espérant y trouver Terry Melcher, l’ancien manager des Beach Boys, pour lui faire payer le prix du sang d’avoir par le passé refusé les "maquettes" des chansons composées par Manson. En lieu et place, Melcher ayant déménagé, ils trouvent celle que les tabloïds de l’époque surnommaient "la plus belle femme du monde", celle de Polanski, absent cette nuit-là, Sharon Tate, enceinte de huit mois et accompagnée de quelques amis, Jay Sebring, Abigail Folger, Wojciech Frykowski et Steven Parent. Tous seront atrocement assassinés comme le sera aussi cette nuit-là le rêve libertaire du "flower power". Assassins et victimes, fous et innocents mêlés, composent le tableau d’une Amérique malade de sa mythologie (le rock, les Hells Angels, les cow-boys, Hollywood…).

Depuis son premier livre, Anthologie des apparitions (Flammarion, 2004), Simon Liberati s’y entend en matière de désastres. Il en fait sa pelote, composant à chaque fois le tableau d’agonies magnifiques, de cauchemars merveilleux. Le martyre de Sharon Tate et des autres, qui fut donc aussi celui d’une époque, paraît avoir été conçu pour qu’il s’en empare. Il le fait tout au long de ces 350 pages nocturnes et hantées, avec un hyperréalisme dévoyé où l’onirisme aurait toute sa place. California girls hésite entre le Capote de Prières exaucées et Barbey d’Aurevilly. A chacune de ses héroïnes en tout cas, il accorde la dignité que confère la littérature. C’est peut-être là la seule morale recevable de cette histoire terrifiante et superbe. Pour le reste, il n’est question que d’une nef des fous, d’une danse macabre, de rêves de celluloïd et de poupées blondes sacrifiées sur l’autel de désirs trop grands pour elles. O. M.

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