La crise financière finit par nous faire croire qu'en dehors de l'économie, de la croissance et du profit il n'est point de salut. La philosophe américaine Martha Nussbaum - née en 1947 - n'est pas de cet avis. Professeure à l'université de Chicago, son oeuvre consacrée au droit et à l'éthique est très commentée aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon. Avec seulement deux ouvrages traduits en français, Femmes et développement humain (Des Femmes, 2008) et La connaissance de l'amour : essais sur la philosophie et la littérature (Cerf, 2010), son travail reste encore peu connu chez nous, mais gageons que ce texte en forme de manifeste lui apporte toute l'audience qu'il mérite.
Que nous dit Martha Nussbaum ? Que la crise économique mondiale masque une crise beaucoup plus grave : celle de l'éducation. "Avec la ruée vers le profit sur le marché mondial, des valeurs précieuses pour l'avenir de la démocratie, en particulier dans une époque d'angoisse religieuse et économique, risquent d'être perdues." Pour elle, outre la logique et la connaissance factuelle, la formation du citoyen du XXIe siècle doit aussi passer par "les émotions démocratiques", c'est-à-dire par la capacité à se mettre à la place des autres pour les comprendre. Et cette disposition nous est essentiellement donnée par les livres, notamment les romans.
En redonnant une place de choix aux émotions dans nos vies morales, en réaffirmant l'importance de pouvoir penser et argumenter par soi-même à côté des objets quantifiables sur le marché, Martha Nussbaum nous offre un petit livre militant plein de sagesse socratique.