Une barbiche Napoléon III, une canne et une démarche qui en impose. Dans L'oreille cassée, cette silhouette intrigante croise Tintin. L'homme au loden et chapeau verts, qui vient vendre ses derniers modèles au général Alcazar puis à son ennemi le général Mogador, s'appelle Basil Bazaroff, avec un z comme dans « bazar ». Hergé a pris modèle sur un vrai marchand d'armes nommé Basil Zaharoff (1849-1936) qui a défrayé la chronique et enflammé bien des imaginations durant la Première Guerre mondiale. Outre quelques biographies parfois fantaisistes, cet orthodoxe, qui l'était si peu dans les transactions commerciales, a fait l'objet d'un fameux « Alain Decaux raconte » dans les années 1970. Puis, plus rien. Tristan Gaston-Breton vient donc tirer de l'oubli ce personnage haut en couleur, polyglotte, charmeur et mythomane, Grec né dans l'Empire ottoman qui n'eut qu'une patrie, celle des affaires.
Il aurait commencé par tenir les portes d'un bordel à Constantinople avant d'ouvrir celle de Janus. Car évidemment la guerre fut son métier. Elle lui a permis d'amasser une fortune colossale et de devenir un agent d'influence dans son domaine même s'il a exagéré sa proximité avec les grands de ce monde. Sa méthode est simple. Après la vente d'un sous-marin à la Grèce, il s'empresse d'en informer la Turquie qui lui en achète deux ! Tristan Gaston-Breton nous apprend qu'il a aussi investi dans les mines, le pétrole, puis dans la presse - à perte - en prenant le contrôle de L'Excelsior et de L'Echo de Paris. Il aurait également prêté une somme considérable à Albert Ier et repris le contrôle de la Société des bains de mer (SBM) en espérant carrément racheter Monaco pour y régner avec son épouse au nom aussi long qu'une référence de mitrailleuse à canons multiples : María del Pilar Antonia Angela Patrocinio Simona de Muguiro y Beruete.
Cette biographie alerte s'en tient aux faits. Le journaliste a déjà beaucoup œuvré pour démêler le vrai du faux dans ce destin peu commun, car le marchand de canons était détesté sur bien des latitudes et les ragots sur son existence furent légion. Difficile donc de comprendre ce Grec devenu tête de Turc. Comme Nestor Burma, il met le mystère K-O sur bien des points. Mais son Zaharoff n'en conserve pas moins sa part d'ombre.
Basil Zaharoff : le plus grand marchand d’armes du monde
Tallandier
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 21,90 euros ; 288 p.
ISBN: 979-10-210-3674-1