Pierre Christin, l'homme aux milles visages qui, au cours de sa vie, a essuyé, entre autres, les professions de pianiste de jazz, journaliste, scénariste de bande dessinée, professeur aux États-Unis et qui compte une cinquantaine d’ouvrages à son actif est mort ce jeudi 3 octobre.
Né en 1938 dans la banlieue parisienne, l'auteur est rapidement passionné par les numéros de Détective et les couvertures illustrées de Radar. Il poursuit ses études à la Sorbonne puis à Sciences Po Paris avant de s’envoler pour l’Ouest Américain où il devient professeur de littérature française à l’université de Salt Lake City. C’est d’ailleurs sur le continent de l’Oncle Sam que Pierre Christin découvre réellement la science-fiction et le polar, deux genres qui ne le quitteront jamais.
Un artiste protéiforme
Mais il faut attendre 1967 pour que l’homme atteigne une renommée internationale avec la publication du premier tome de la saga Valérian, cosigné avec son ami Jean-Claude Mézières. Traduite en une vingtaine de langues, la bande dessinée est immédiatement considérée comme une œuvre de référence et d’avant-garde et inspire des cinéastes américains tels que George Lucas ou le Français Luc Besson qui en fera une adaptation en 2017.
Nourri de sa passion pour la bande dessinée, Pierre Christin rejoint le magazine Pilote dont il devient un véritable pilier aux côtés de René Goscinny et Jean-Michel Charlier puis Guy Vidal. En parallèle, il poursuit ses nombreuses collaborations avec d’autres grands scénaristes et dessinateurs de bande dessinée tels que Jacques Tardi, François Boucq, Jean Vern, ainsi qu’Enki Bilal avec qui il s’essaye au genre politique à travers notamment Les Phalanges de l’Ordre noir (Dargaud, 1979), Partie de chasse (Dargaud, 1983) ou Le Vaisseau de Pierre (Dargaud, 1976).
Son travail avec Annie Goetzinger à partir des années 1980 exprime une tout autre sensibilité par le biais de portraits de femmes et d'intrigues intimistes à l’image de La Demoiselle de la Légion d’honneur (Dargaud, 1980).
En 2019, l’auteur remporte le prix Goscinny, décerné par le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, pour l’ensemble de son œuvre à l’occasion de la parution de son album autobiographique Est/Ouest (Dupuis, 2018) mis en images par Philippe Aymond. L’année suivante, une exposition lui sera consacrée au festival et une monographie sera publiée à cette occasion chez Caurette.
La BD mais pas que...
Sans jamais oublier la bande dessinée, Pierre Christin s’est essayé à d’autres formes d’écriture en publiant plusieurs romans. D’une curiosité insatiable, il a également parcouru le monde en 1992, un périple qu’il raconte dans L’Homme qui fait le tour du Monde (Dargaud) et en 1999. Il est également le fondateur de l’IUT de journalisme de Bordeaux.
Le monde du livre se souvient donc de Pierre Christin comme d'un esprit libre et érudit, sensible au féminisme avant l’heure, guidé par une ouverture sur le monde, et un regard critique qui n’est pourtant jamais tombé dans le caricatural.
