3 OCTOBRE - BD Etats-Unis

Photo NATE POWELL/SARBACANE

Embrassant dans un même mouvement la violence des adolescents et celle de la société où ils grandissent, Any empire est à ce jour le livre le plus ambitieux de Nate Powell, dont deux autres sont parus en français. Dans Swallow me whole (Casterman, 2010), qui lui a valu un prestigieux Eisner Award, le jeune Américain, né en 1978 à Little Rock (Arkansas), s'intéressait déjà aux obsessions adolescentes. Avec Le silence de nos amis (Casterman, 2012), sur un scénario de Mark Long et Jim Demonakos, il se penchait sur la violence raciste dans l'Amérique de la fin des années 1960. Cette fois, les armes, la guerre, les soldats sont omniprésents sous forme de jouets, de réminiscences et de fantasmes, ou grandeur nature dans une oeuvre dans laquel le Nate Powell a mis beaucoup de lui-même.

Lee, son personnage principal, porte d'ailleurs le même nom de Powell. La rencontre de cet ado plutôt introverti avec une bande de garçons, emmenée par le troublant Purdy, va le projeter dans un univers de violence sourde à laquelle il ne s'attend pas. Ses rêveries guerrières se trouvent fracassées par une réalité plus brutale encore, l'agressivité s'exprimant sous des formes plus insidieuses, de l'enfance à l'âge adulte, jusqu'où le dessinateur accompagne ses personnages.

Nate Powell use d'un style expressif très influencé par la tradition eisnerienne, qu'il magnifie par un recours très ajusté aux effets de contraste entre noir et blanc. Mais il se distingue du grand Will Eisner par une économie de texte qui rend son travail plus onirique encore. Se gardant de toute démonstration, il se contente de montrer des jeux qui semblent anodins, des rouages ordinaires de la société américaine, et fait sourdre de leur interaction une atmosphère lourde et oppressante.

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