24 avril > Histoire France

C’est une somme. Mais pas une somme assommante. Une somme considérable qui fait le point sur les dix années qui ont bouleversé le monde. De 1937 à 1947, les nations sont entrées dans une zone de turbulence extrême. Alya Aglan et Robert Frank, professeur et professeur émérite à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, ont en effet retenu l’agression japonaise contre la Chine, sans déclaration de guerre, comme début de cette séquence tragique. Pour la fin, 1947 s’imposa avec la transformation de la paix encore chaude en guerre froide.

En une cinquantaine de chapitres, les auteurs ont choisi de modifier la focale, pour passer du particulier au général, de la micro-histoire à l’histoire-monde. C’est la variation de cet ordre de grandeur qui donne à ces deux volumes son dynamisme. En passant du local au global, et inversement, on perçoit mieux les enjeux du conflit et ses conséquences comme les guerres civiles qui éclatent au sein des nations ou les millions de victimes de la Shoah. L’ensemble est construit en quatre parties, comme un drame, avec un épilogue sur la manière dont on peut désormais juger un conflit de cette ampleur. Tout gravite autour de la guerre : la faire, l’inventer, la vivre et en hériter. Car on hérite aussi du pire avant de le solder, espère-t-on définitivement.

Les différentes contributions s’articulent comme un vaste récit qui s’étale dans le temps, horizontalement, mais qui explore aussi, verticalement, les profondeurs de la guerre et la manière dont elles ont bouleversé les esprits. La nuit devient le cinquième élément de la guerre, un lieu que l’on redécouvre pour y vivre et se cacher. On écoute aussi de la musique pour couvrir sa peur et le bruit des bombes, on se plonge dans la lecture, on apprend par cœur des poésies pour résister au pire. Après ce tumulte mondial, on n’écrira plus, on ne filmera plus, on ne pensera plus de la même manière, comme l’explique Enzo Traverso dans son prologue. Désormais, le progrès sera associé au déclin.

Le passé existe sans l’histoire, mais c’est l’histoire qui lui donne un sens. Nous avons là une belle tentative collective de cette compréhension, de cette mise en récit qui élargit les repères, repousse avant et après les balises de la période 1939-1945 pour examiner ces dix ans qui ont changé le monde. L’histoire la mieux connue a besoin qu’on la revisite sans cesse pour continuer d’avoir un sens. Ici, les meilleurs spécialistes, français et étrangers, sont réunis pour cela. Et pour un prix modique. Que demander de plus ? L. L.

 


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