Dans une petite ville banale d’un pays jamais nommé, mais qui ne saurait être que les Etats-Unis, tentent de vivre Richard et Dan, deux vétérans des Forces spéciales, rescapés d’Afghanistan, d’Irak et du Yémen. Amis d’enfance, ils ont juré de veiller l’un sur l’autre, quoi qu’il arrive, au combat comme dans la vie civile. Mais si Dan, fils de banquier ruiné, arrive à peu près à s’en sortir, en menant la vie la plus banale possible, employé dans un bowling, juste porté sur l’alcool et les anxiolytiques, souffrant de TOC (une propreté maniaque) et de cauchemars, il n’en va pas de même pour Richard.
Marié à la très sexy Nath depuis vingt ans, il est le père de Mona, une adolescente rebelle dont Dan est le parrain. C’est chez lui qu’elle se réfugie à chaque crise. Elle aimerait peut-être plus, mais pas question. Dan est un type loyal et droit. Juste sorti de prison pour excès de vitesse, Richard devient ingérable et part en vrille : alcool, drogues, bagarres, trafics douteux. Nath, toiletteuse pour chiens, commence à se lasser, tout en l’aimant toujours. Elle prend un jeune amant, Vincent, qui tombe fou amoureux d’elle, et dont elle aura du mal à se débarrasser lorsqu’elle aura décidé de rompre. C’est encore Dan, le confident de toute la famille, qui sera chargé de le "persuader".
Ce très relatif équilibre entre les protagonistes va se trouver complètement bouleversé avec l’arrivée de Marlène, la sœur de Nath. Plus terne, mal coiffée, affligée de vilaines lunettes, elle s’est fait jeter enceinte par son mari, et ne sait plus où aller. Et, bien qu’elle réalise à un moment qu’elle l’a toujours détestée, l’aînée accueille la cadette. Richard ne l’admet pas. D’autant que, rapidement, se noue une relation amoureuse entre Marlène et Dan. Farouche au début, le garçon se rend compte de ses sentiments, et finit par accepter une espèce de vie commune.
Mais une folle jalousie semble s’emparer de sa "famille". Chacun à sa façon, Mona, Nath et Richard, vont s’employer à saboter son idylle. Le lecteur pressent vite que tout cela ne pourra que se terminer en tragédie…
Mince, nerveux, Marlène est le livre d’un écrivain rajeuni, débarrassé de ses afféteries et de ses grotesques imparfaits du subjonctif. Des chapitres courts, aucun dialogue direct, des phrases qui claquent, sèchement. Quant à l’ambiance, elle est aussi glacée que celle d’un tableau d’Edward Hopper. La ville est anonyme, vide, il ne s’y passe rien. Tout est concentré sur les personnages principaux. Après plus de vingt romans, Philippe Djian parvient encore à nous surprendre.
Jean-Claude Perrier