22 août > BD Allemagne > Thomas von Steinaecker et Barbara Yelin

Dessinatrice d’une grande sensibilité, Barbara Yelin, née en 1977 à Munich, s’est fait connaître à travers des portraits de femmes singulières telle la "Landru allemande", Gesche Margarethe Gottfried (L’empoisonneuse, Actes Sud-L’An 2, 2010, avec Peer Meter), une sympathisante du nazisme dans les années 1930 (Irmina, Actes Sud-L’An 2, 2014) ou l’actrice Channa Maron (Par-dessus tout, sois fidèle à toi-même, Actes Sud-L’An 2, 2016, avec David Polonsky). Avec l’écrivain, critique et scénariste Thomas von Steinaecker, elle s’intéresse cette fois à la trajectoire de Gerda Wendt, scientifique douée et passionnée qui dut se frayer dans les décennies d’après la Deuxième Guerre mondiale un chemin dans le milieu essentiellement masculin de l’astrophysique.

Les deux auteurs procèdent par petites touches. Ils mettent en regard dans quinze séquences délicatement tissées à la fois les derniers mois de la vie de Gerda Wendt et les étapes de l’existence et de la carrière qu’elle se remémore alors que, éprouvant de plus en plus de difficultés à se mouvoir, elle a dû rejoindre une maison de retraite. Génie des maths dès l’enfance, brillante dans les centres de recherches auxquels elle collabore, Gerda Wendt sera ensuite sans cesse écartelée entre vie de famille et vie professionnelle. Elle renonce à un poste à Cambridge pour complaire à son amoureux, assume une double journée de travail lorsqu’ils seront mariés… jusqu’au divorce après que son mari l’a trompée avec la baby-sitter de leur fille.

Mais de ce parcours classiquissime d’une femme du XXe siècle, Barbara Yelin fait une ode. Elle compose à l’aquarelle un poème doux et mélancolique. Déployant un seul dessin sur une page ou concentrant sur une double une multitude d’événements, elle donne à ressentir avec les nuages qui passent, les feuilles qui tombent ou les oiseaux qui s’envolent la fuite du temps et de la mémoire. Gerda Wendt âgée lit dans le paysage des étoiles qu’elle contemple de sa fenêtre, fascinée comme au premier jour, le chemin qui a été le sien sur terre. Rêve et réalité se confondent dans un même mouvement qui ne saurait s’arrêter avec sa disparition. Fabrice Piault

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