Avec ses grandes cases qui viennent parfois occuper la page entière, ses cadrages soignés, la précision de son trait, ses personnages coupés en "plan américain", son économie de texte, Miles Hyman a le don de dilater le temps. Il livre ainsi sur 120 pages un récit d’une densité et d’une tension extrêmes, qui ne couvre que deux heures de temps, en adaptant pour la première fois une nouvelle que sa grand-mère, Shirley Jackson (1916-1965), une reine américaine de la littérature fantastique et d’horreur, a publiée en 1948.
Dans un petit bourg des Etats-Unis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les 300 habitants se livrent chaque année, le 27 juin, à un rite étrange, une loterie à laquelle ils sont tenus de participer tous, sans exception. Appelé par ordre alphabétique, chaque chef de famille va choisir dans une urne un petit papier blanc soigneusement plié. Lorsque tous les papiers ont été tirés, ils sont dépliés simultanément. L’un d’eux porte un gros point noir, qui désigne ainsi une famille. En son sein, un nouveau tirage est organisé sur le même mode, qui désigne l’un de ses membres.
On ne peut en dire plus sans déflorer totalement le propos du livre. Quel est l’objet de cette loterie ? Qui est le "gagnant" et qu’obtient-il ? Une certitude : Miles Hyman sait faire monter le suspense et installer une ambiance angoissante avec des dessins qui empruntent autant à la peinture qu’au cinéma. Avant de s’installer comme un classique aux Etats-Unis, le texte de Shirley Jackson y avait suscité un scandale. On comprendra pourquoi. Fabrice Piault