L’épisode a souvent été raconté, ce n’est pourtant jamais le même. Comme tant d’autres, la famille d’Alain Jomy prend le chemin de l’exode en 1940. Elle le fait avec d’autant plus d’empressement qu’elle est juive. Les déplacements, elle connaît. Après avoir traversé l’Europe en pensant trouver asile à Paris, elle arrive dans un petit village de Corrèze, Curemonte, près de Brive. Elle y trouve la châtelaine Colette de Jouvenel, la fameuse Bel-Gazou, mais surtout une population accueillante, "un lieu de civilisation".
Alain Jomy était bien jeune à cette époque. Né en 1941, il fut sauvé comme tous les autres membres de la famille. Pour décrire, il a enquêté, il a plongé dans les archives, dans les souvenirs des autres. "Toutes les histoires juives ne se terminent pas nécessairement de façon sinistre." C’est le sujet de ce récit qui hésite entre mémoire et histoire, qui utilise l’histoire pour mieux affronter la mémoire. Ici, elle tourne autour d’Olga Nusinoff. C’était la tante paternelle de l’auteur. Dans le livre, il la nomme Ola, son diminutif polonais.
Avec elle, nous suivons la vie quotidienne dans la clandestinité, les inquiétudes de chacun, la peur de tous. Le récit est précis. Alain Jomy a le sens du rythme, il sait maintenir le lecteur dans une atmosphère. Pendant des années, il a signé de nombreuses musiques de film, notamment pour Claude Miller.
Après deux romans, Heureux comme à Monterey (Calmann-Lévy, 2000) et Le livre d’Elena (Ramsay, 2007), il revient sur les pas de sa famille. L’angoisse est là, la mort présente ô combien, mais c’est l’espoir qui affleure dans ce village français. Comme dans une musique de film, celle qui nous tient en haleine, et qui finit par nous apaiser. L. L.