C'est un texte âpre et dur, parfois insoutenable, que Mathieu Riboulet a eu le temps d'achever avant sa mort, le 5 février 2018. Et justement, c'est cette mort, au moment où elle lui est annoncée, en 2015, qui lui fournit le point de départ de son récit, sous-titré Eclats de l'année deux mille quinze. Dès le début, il établit une concomitance entre drames personnels et événements planétaires : en 2001, l'année des attentats du World Trade Center, son père avait été diagnostiqué cancéreux. En 2015, apprenant son propre cancer, Riboulet vit de près les attentats du Bataclan. Tout alors se télescope, et son texte se hausse en une espèce de prophétie apocalyptique, portée par un style parfois biblique. Il y met l'Occident en accusation, non point afin de justifier le terrorisme islamiste qui frappe les anciennes puissances coloniales responsables du chaos actuel au Moyen-Orient, et ce depuis 1916 et les iniques accords Sykes-Picot, mais de rappeler quelques vérités, et de dénoncer notre aveuglement « béat ». Quant aux assassins, qu'il appelle des « marioles », ils suscitent en lui une étrange fascination, sur fond de séduction érotique. Tout cela est dense et l'apocalypse, selon Riboulet, est proche. Il ne la vivra pas. Ses amis si, qui témoignent dans Compagnies de Mathieu Riboulet, de leur ferveur pour une œuvre si singulière (on pense parfois à Guyotat) et si brève.