Dav Guedin et Craoman ont dessiné à quatre mains, sur un scénario du premier, une première oeuvre aussi salutaire que désopilante. Elle relate pourtant l'expérience éprouvante vécue il y a treize ans par Guedin comme animateur d'un centre de vacances pour adultes handicapés physiques et mentaux. Mais les deux auteurs évitent l'écueil de la bien-pensance. Leur récit brut de décoffrage ne cache rien de la violence ni même de la perversité de certains, de la laideur et de la saleté qui plongent l'animateur dans "une expérience incroyable qui va forcément [le] pousser en dehors de [ses] propres limites".

Jeux de société, repas, coucher, lever, toilette, excursions à la plage ou au parc d'attractions... Chaque épisode est - vraiment - une aventure dont personne ne sort indemne. Des portraits sans fard des pensionnaires s'intercalent pour présenter Stéphane, "qui nous pisse dessus en se marrant", Yvette, "l'enthousiaste partante pour tout", ou Marie, qui "aime se laisser tomber de tout son poids mais préfère vous entraîner dans sa chute". Graphiquement, les deux auteurs s'inspirent d'un Charles Burns ou d'un Stéphane Blanquet. Mais ils manient à la perfection leur style surréaliste et grunge pour décrire avec tendresse un monde fou.