La politique est un jeu d’enfants. D’enfants mal élevés. Notamment dans les pouponnières à sales gosses de la République que sont Sciences po, l’Ena et tutti quanti. Sciences po, dont les deux héros du nouveau roman de Cécile Guibert, Les républicains, sont issus. D’une promotion demeurée fameuse pour avoir compté en son sein quelques futures éminences à la Copé, Beigbeder ou Pujadas et qui leur vaut de se retrouver à la sortie d’une émission de télévision de l’ineffable Ardisson, plus ou moins trente ans après leur première rencontre. D’un côté donc, Guillaume Fronsac, qui a suivi la torve trajectoire d’excellence que l’on était en droit d’attendre de lui : cabinets ministériels, banquier d’affaires et, pour le "supplément d’âme", un essai sur Machiavel qui lui permet à peu de frais de se revendiquer comme écrivain ; de l’autre, celle qui ne sera jamais nommée autrement que "la fille en noir" (en qui il ne sera pas, bien entendu, interdit de reconnaître Cécile Guilbert elle-même), une écrivaine justement, qui aux joies de la "négritude" politique aura préféré celles plus austères de l’écriture de livres sur Retz ou Swift, assumant le pas de côté sans espoir de retour envers la carrière initialement promise. L’un et l’autre s’étaient perdus de vue, se retrouvent et, le temps d’une déambulation ivre, nocturne et possiblement amoureuse (c’est-à-dire où rôdent mélancolie, curiosité et désir), font le point sur l’état des choses en ce pays où "la littérature avait toujours été politique et la politique littéraire".
L’élégance première de ce conte moral rohmérien qu’est Les républicains, c’est de n’être jamais tout à fait là où on l’attend. Et de ne déférer qu’aux seules injonctions du style. Celui que la politique a oublié mais que la littérature, parfois, exhume. O. M.