9 mai > BD France

Parmi les multiples bandes dessinées qui traitent de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance, Vivre à en mourir se distingue par sa sobriété. L’album retrace la trajectoire de Marcel Rayman, jeune Juif parisien d’origine polonaise, communiste pacifiste qui va basculer dans la Résistance armée alors que s’intensifient, à partir de 1941, les rafles et les déportations de Juifs. Membre du groupe dirigé par Missak Manouchian, il mourra fusillé et figurera sur l’infamante "Affiche rouge" conçue par l’occupant nazi pour discréditer la Résistance. Ainsi que le fait apparaître le scénario de Laurent Galandon, l’engagement de ce jeune ouvrier passionné de natation n’allait pas de soi. Il s’impose pourtant comme une évidence dès lors que sont peu à peu déportés ses proches, et notamment son père.

A ses hésitations des débuts, Marcel Rayman va substituer une détermination croissante, qu’il illustre dans de multiples opérations - attentats contre l’armée allemande, liquidation de dirigeants nazis… Mais la collection de faits d’armes n’est pas l’objet du récit, qui vaut d’abord par la mise au jour pragmatique de l’intrication des enjeux politiques, personnels, familiaux et affectifs qui sous-tendent les actions de Marcel Rayman, de ses compagnons et de ses proches. Réaliste et lisible, le dessin de Jeanne Puchol, une dessinatrice engagée, féministe, qui sait déplacer sa focale pour donner à voir ce qui n’est pas toujours apparent, excelle dans les scènes les plus quotidiennes, de la piscine au jardin public. Avec elle, tandis que la terreur rôde, omniprésente sans être spectaculaire, les résistants sont bien des hommes et des femmes qui vivent parmi leurs congénères, victimes ou collabos, Français, immigrés ou Allemands. Héros ordinaires dans une époque qui ne l’est pas.

Fabrice PIault

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