Heureux qui, comme Gaëlle, a vu son premier livre, un recueil de nouvelles, Sanglier noir, pivoines roses (La Table ronde, 2014), récompensé par un prix de la SGDL. Elle ose aujourd’hui un roman, dont la forme n’est pas très éloignée. En catimini, la romancière se glisse dans la peau de son héros, et lui cède la parole.
Il s’appelle Paul Parc. Vingt-sept ans, bac plus sept, prépare une thèse en économie. Orphelin, il vit avec sa mère. Un soir, au lieu de rentrer chez eux, il prend la fuite. Sans rien emporter, il monte dans sa voiture et s’en va droit devant, sans but aucun. Alors que son histoire pourrait virer au road-movie, le voici attaqué, dévalisé et passé à tabac par quatre voyous. Traumatisé, il va vivre une longue dérive, comme porté par des événements qu’il ne contrôle pas, et raconte ce qui lui arrive dans un style blanc, au présent de narration, et avec une minutie dans les détails qui s’apparente à un TOC.
A sa sortie de l’hôpital, Paul trouve refuge dans la communauté des Sœurs du Cœur de Marie. Les sœurs le prennent en affection, dont celle qu’il surnomme SMX. Après quoi, elles l’orientent vers le foyer du Rebond. Après avoir fait la connaissance de Maud (en fait, Zaharia), avec qui il passe quelques nuits agréables, il part pour la mer, devient serveur dans un café. Petite vie tranquille avec son colocataire, Romuald. Ses moments libres, il les passe à la bibliothèque, à mettre au propre des "brèves de comptoir". Il y croise Elfriede, une archiviste mystique. Ensuite, il entre dans une banque, d’abord guichetier puis employé administratif, parce qu’il n’a pas "l’esprit de conquête", lui dit son chef.
Finalement calé dans son "destin miniature", illuminé seulement par ses carnets et ses rêves délirants, Paul va se réconcilier avec sa mère et trouver enfin, peut-être, l’amour… Tout le monde ne peut pas être un grand homme, un être d’exception. Gaëlle Heureux est parvenue à nous passionner pour ce "gars bien ordinaire", non dénué d’humour, et son roman est une réussite. J.-C. P.