S’il fallait à un enfant rêvant d’horizons lointains dessiner un aventurier - visage taillé à la serpe, avenant tout en cultivant son quant-à-soi, aussi à l’aise, peut-on imaginer, dans les salons de l’hôtel parisien où il reçoit que dans les montagnes du Kurdistan ou à la barre de ses navires -, Patrice Franceschi pourrait servir d’utile modèle. Face à certains destins, certaines biographies, laissons Wikipédia s’exprimer : "Patrice Franceschi est un écrivain français né le 18 décembre 1954. Il est également philosophe, aviateur, marin, cinéaste, parachutiste, écrivain de Marine et officier de réserve." Mazette, quel drôle d’oiseau dans un paysage littéraire ordinairement plus sage ! Ajoutons, pour faire bon poids, qu’il publie ces jours-ci, pour la première fois chez Grasset, un recueil de nouvelles où il se balade avec la gourmandise du voyageur, cette fois-ci dans les contre-allées du futur. On y croisera, entre autres, des "hommes augmentés" par Google, un couple en voyage de noces à bord d’un avion solaire, diverses catastrophes climato-écologiques ou une nouvelle planète porteuse d’une angoissante question. Quatorze nouvelles en tout où l’on se promène entre les siècles (le nôtre, le prochain), à la fois allègres et noires, loufoques et tragiques, quatorze fables comme autant de deuils de l’avenir.
Défenseur des peuples oubliés
L’avenir, pour Patrice Franceschi, ça a toujours été quelque chose comme le passé en habit de lumière. Il est fils de l’ancien monde, des clochers, des maisons sages d’un village corse près de Corte, fils d’un militaire et de l’idée qu’il n’y a d’universalisme qui ne puise à l’amour de son pays. Ce défenseur des peuples oubliés dit volontiers : "Seuls les patriotes peuvent défendre la liberté des autres." En foi de quoi, l’enfant Patrice grandira (depuis l’Afrique où son père était affecté) entouré de livres et de rêves, les uns procédant des autres.
Bien vite, Monfreid et Saint-Ex sont les fées tutélaires qui veillent sur lui. A 12 ans, il sait qu’il voudra être écrivain. A 23 ans, il l’est, publiant chez Fernand Nathan Au Congo jusqu’au cou. Il lui faudra attendre d’en avoir 60 pour être pleinement reconnu comme tel, lorsque Première personne du singulier (Points, 2015) reçoit le Goncourt de la Nouvelle. Entre-temps, notre homme se sera promené. Partout, par tous les moyens, sur les eaux, sur terre et dans les airs. Par temps de guerre et parfois de paix. Avec Kouchner, sur L’Ile de lumière, ou en Afghanistan auprès de ses amis kurdes, ou sur son premier bateau, La Boudeuse, une jonque qui coulera au large de Malte et sera remplacée par un trois-mâts avec lequel il fera le tour du monde en trois ans.
Il peut avoir aujourd’hui jeté l’ancre en Normandie, il ne s’arrêtera pas, ni d’écrire ni de voyager. L’un et l’autre. L’un est l’autre.
Olivier Mony
Dernières nouvelles du futur de Patrice Franceschi, Grasset. Prix : 19 €, 220 p. Sortie : 7 février. ISBN : 978-2-246-81503-7