7 mai > Roman de voyage France

On avait découvert Astrid Wendlandt en 2010, avec son premier livre, Au bord du monde (Robert Laffont), dont le sous-titre, Une vagabonde dans le Grand Nord sibérien, nous avait étonné. Elles ne sont pas si nombreuses, les travel-writers au féminin, mais une génération est en train d’apparaître (Estelle Nollet, Elodie Bernard…), talentueuse et qui n’a pas froid aux yeux. Astrid Wendlandt, elle, que l’on avait surnommée "une nana chez les Nenets", est un sacré personnage. Franco-canadienne, rédactrice en chef de la section business du luxe chez Reuters, elle est "tombée en amour" avec la Russie, dont elle a appris la langue, et où elle adore aller se perdre, seule ou presque, dans des conditions extrêmes. Rien ne l’arrête, et elle n’abandonne jamais sa féminité : "J’ai toujours une tenue de soirée dans mon sac, rappelle-t-elle dans L’Oural au cœur. Ça ne prend pas de place, et sait-on jamais ?"

En effet. Et, cette fois, ses "talons Pierre Hardy" et sa "robe Maje anthracite à paillettes" seront peut-être nécessaires. En 2010, Astrid s’était mis en tête de retourner à Tcheliabinsk, dans l’Oural, pour revoir Micha, un rockeur qui lui avait fait tourner la tête en 1995, lors de son premier voyage là-bas. Elle avait 21 ans. A l’époque, elle l’avait suivi dans ses tournées bien destroy au fin fond du far east, et puis, à cause d’un visa expiré, elle avait été expulsée du pays manu militari. Fin de l’histoire et aucune nouvelle depuis. Mais la jeune femme ne se laisse pas décourager pour si peu. Et puis, une fois sur place, elle pourra en profiter pour sillonner ces rudes contrées si chères à son cœur, jusque dans l’Oural polaire où vivent les derniers Nenets, ses amis éleveurs nomades de rennes.

On s’en doute, les retrouvailles avec Micha sont assez tièdes. Le Casanova de Tcheliabinsk ne l’a pas attendue. Il aime toujours la musique, mais il est devenu ingé-son, travaillant pour d’autres groupes. Justement, une petite tournée se prépare. Astrid en est, ainsi qu’un certain Dmitri, dit Dima, le meilleur pote de Micha. Un drôle de type, marié, séparé de sa femme, un peu paumé, qui, de prime abord, ne plaît pas à Astrid. Mais ils vont vivre ensemble une formidable épopée à travers le pays, rock’n’roll, camping, vodka, bière et gueule de bois. Tant de moments forts, de belles rencontres, comme avec ces communautés de hippies new age installés à Arkaïm, haut lieu archéologique des Aryens, ou ceux d’Alexandrovka, nettement moins accueillants. De même, l’étrangère sera plutôt mal reçue chez les Khanty et les Nenets. Désillusion cruelle… dont elle se consolera dans les bras du ténébreux Dima.

Depuis, ils ne se sont plus quittés. Ils ont eu une fille, Milla Jeanne, à qui Astrid Wendlandt a dédié son livre. A la fois roman d’amour décalé, récit de voyage farfelu et exploration des confins de la Russie profonde, L’Oural en plein cœur est le bien beau livre d’une écrivaine parvenu à maturité. Comment dit-on love story en russe ?

J.-C. P.

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