Rien n’est vraiment simple dans le réjouissant premier roman noir de Sascha Arango, en cours de traduction dans seize pays, qui sort en France chez Albin Michel. Henry Hayden, le héros de La vérité et autres mensonges, est ce qu’on appelle un curieux pistolet. Cet homme aux yeux gris vert, au sourire triomphal et malveillant, roule en Maserati bleu nuit et habite une maison de maître non loin de la mer. Car Henry est riche et célèbre. Et ce grâce à ses thrillers, "avec beaucoup de bagarres et peu de réconciliations", lus à travers le monde. Le premier, Frank Ellis, s’est écoulé à dix millions d’exemplaires et son succès ne s’est ensuite jamais démenti.
Il faut préciser que monsieur n’en a pas écrit une ligne. Ses livres sont tous nés de la plume de sa femme, Martha, qui n’est pas intéressée par la littérature, mais veut juste écrire et le fait nuitamment. Le couple n’a pas d’enfant et n’en désire pas. Sauf qu’Henry vient d’apprendre que Betty, sa maîtresse depuis des années, éditrice et "Vénus aux taches de rousseur" que l’on sait jeune et sportive, "belle et pas très intello mais extrêmement concrète", est enceinte de lui… Le voici donc face à un imprévu.
Comment procéder quand on est un homme dont la devise est : "la vie te donne tout, mais jamais tout en même temps". Un homme qui a appris à ne rien révéler de ce qui doit demeurer non dit. Un imposteur, "une grenouille dans le nid du serpent", qui n’aime pas Dostoïevski et pense que Le grand vizir Iznogoud est la meilleure bande dessinée au monde… Très réjouissant, surprenant et rondement mené, La vérité et autres mensonges évoque l’univers de Patricia Highsmith. Dont le talentueux Mr Arango se révèle un fort digne héritier. Al. F.