1ER JUIN - PREMIER ROMAN Etats-Unis

Quatorze pages. De mémoire de lecteur fidèle, impossible de se souvenir, dans le grand magazine américain Vanity Fair, d'un premier roman ayant fait l'objet d'une telle "couverture". C'est pourtant ce qui vient d'arriver à Chad Harbach, un grand jeune homme discret de 36 ans, natif de la petite ville de Racine dans le Wisconsin, fondateur et rédacteur en chef de la revue littéraire n + 1, dont le coup d'essai littéraire, L'art du jeu, fut l'événement romanesque de l'année passée aux Etats-Unis. Dans son article, Keith Gessen, ami du romancier (et lui-même auteur du beau livre La fabrique des jeunes gens tristes, L'Olivier 2009), raconte la "fabrication" d'un nouveau "great american novel" à l'heure d'Amazon et du livre numérique. Vendu par son agent à plus de 660 000 dollars à l'éditeur américain Little, Brown, à l'issue d'une incroyable mise aux enchères, déjà traduit dans la plupart des grands pays occidentaux, Chad Harbach n'a pas loupé son entrée dans la carrière...

Soit donc Westich, une université un peu paumée du Wisconsin. Henry Skrimshander doit moins à ses notes qu'à ses dons exceptionnels pour le base-ball d'avoir pu l'intégrer. Dans son équipe, il y a Mike, qui l'a découvert et pris sous son aile, mais aussi Owen, son colocataire, brillant étudiant, gay et séduisant. Ce même Owen dont, saisi d'un tardif démon de midi homosexué, le président de l'université, Guert Affenlight, va s'éprendre, tandis que sa fille, Pella, se console d'un divorce et d'une addiction aux tranquillisants dans les bras de Mike... Tout ce petit monde couche et pleure ensemble, en relisant Melville et en rêvant du match parfait que leurs vies peinent à devenir...

Récit enchanté sur la quête de la perfection, la volonté et la jeunesse, L'art du jeu combine une incontestable efficacité narrative et une capacité d'incarnation (les conflits intimes des personnages sont merveilleusement dessinés). Salué par John Irving ou Jonathan Franzen (qu'il n'est pas sans rappeler, dans ses meilleures pages), il réactive le principe qui voudrait que le sport soit une métaphore de la vie et qu'il n'y ait, selon l'axiome fitzgéraldien, "pas de deuxième chance dans la vie d'un Américain". Pour Chad Harbach, la première suffira.

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