21 MARS - HISTOIRE France

Y a-t-il des guerres justes ? Que faut-il entendre par ces mots antinomiques ? C'est le coeur de l'excellent ouvrage de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer. Ce jeune chercheur né en 1978 s'est attaqué à un sujet vaste qu'il circonscrit avec beaucoup de subtilité. Avec vivacité et beaucoup de références - il s'agit d'une thèse -, cet enseignant à la prestigieuse université McGill de Montréal nous entraîne dans l'histoire, le droit, la politique et l'éthique.

Dans le domaine de l'humanitaire, on ne parle plus de guerre, cela ferait mauvais genre, mais d'intervention. On veut ainsi signifier que l'opération est ponctuelle et suivie d'un retrait, et non plus d'une conquête de territoire. Ce qui n'exclut pas tout de même la perspective d'une conquête économique...

Le propos de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer se situe à l'intersection des réalistes (ceux qui bombardent un peu vite), des libéraux (ceux qui réfléchissent un peu trop) et des constructivistes (ceux qui veulent limiter les dégâts). Il rappelle d'ailleurs que "l'intervention est menée pour sauver non seulement les autres, mais aussi surtout l'image que l'on a de soi."

Préfacé par Hubert Védrine, l'ouvrage aborde l'histoire d'un phénomène qui émerge au XIXe siècle, la définition et l'utilisation des termes comme la "responsabilité de protéger" ou la législation en matière d'intervention humanitaire avec le rôle du Conseil de sécurité des Nation-unies. Jeangène Vilmer examine aussi le rôle des médias (CNN) dans la mise en place et la perception d'une telle intervention, notamment au regard de la souffrance des peuples et la manière dont elle est présentée. Reste enfin la question de la légitimité et de savoir qui intervient et quand ? Faut-il attendre la dernière limite pour prendre une décision vis-à-vis de la Syrie et gagner le temps que d'autres mettent à mourir ?

"L'intervention humanitaire n'est pas autre chose qu'une intervention dont l'intention est humanitaire." Ce critère est donc déterminant et bien difficile à circonscrire. Voilà pourquoi, au-delà de l'approche interdisciplinaire, Jeangène Vilmer utilise celle interculturelle pour bien montrer comment le concept du droit et du devoir d'ingérence évolue en fonction des sociétés et des traditions françaises ou anglo-saxonnes.

En montrant la complexité du dossier, l'auteur parvient à lui donner toute son importance. C'est le cas quand il considère la notion de guerre "zéro mort" avec l'obligation de résultat, la non-intervention qui se transforme en soutien ou la pauvreté qui semble absente de ces guerres que l'on voudrait morales. A tuer ou à laisser mourir, on préférerait aider à vivre. En tout cas, pour la clarté de ses analyses et la pertinence de ses propos, voici un ouvrage important qui aide à comprendre le monde comme il ne va pas.

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